2000
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Les Cahiers de droit ; vol. 41 no. 3 (2000)
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Maurice Tancelin, « La modernité du droit vue à travers l'anthropologie dogmatique et la sociologie des sciences », Les Cahiers de droit, ID : 10.7202/043615ar
Le droit n'échappe pas à la mode des études sur la modernité, à l'occasion du changement de millésime. Deux ouvrages d'anthropologie parviennent par des voies différentes à un diagnostic étonnamment proche sur les expectatives en matière juridique et politique. Selon le juriste Pierre Legendre, le droit n'est pas seulement le phénomène social auquel la société tend à le réduire aujourd'hui. L'animal politique d'Aristote est un animal parlant. Le langage, qui émane de la Raison, transmet au droit le caractère structural de ces deux facultés eminentes. Celui-ci n'est donc pas une simple commodité de la vie sociale (commodity, utility), sujette à des manipulations au gré des sondages d'opinion. Le philosophe Bruno Latour, pour sa part, cherche à comprendre les liens entre sciences de la nature et les sciences sociales. Les premières ont la bride sur le cou depuis les Lumières. Cependant, la nécessité de les reconsidérer s'applique tout autant aux secondes. La science politique notamment a besoin de grilles d'analyse renouvelées pour répondre aux exigences de notre époque. Les deux ouvrages s'accordent sur le fait que dans les contrées occidentales le roi est nu. Pour P. Legendre, il faudrait le convaincre d'apprendre à vivre en paix avec lui-même et avec son prochain avant de lui remettre ses vêtements d'apparat. D'après B. Latour, le roi a davantage besoin d'une chirurgie corrective que d'une psychanalyse avant d'appeler le tailleur.