2010
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Frontières ; vol. 23 no. 1 (2010)
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Irène Salas et al., « La logique cannibale de Montaigne », Frontières, ID : 10.7202/1004022ar
La logique cannibale – telle que l’interprète Montaigne – consiste à perdre son corps pour mieux cristalliser la parole et faire durer la mémoire. Bien plus qu’un simple mode de communication, pour les Tupinambas, le corps représente une véritable économie (un commerce) : il se transforme en un signe qui permet l’échange symbolique. Grâce à cette consommation absolue, la mort devient régénératrice. Les Essais de Montaigne sont eux-mêmes un corps vivant puisqu’ils servent de lieu de rencontre et synthétisent les échanges avec d’autres corps. Montaigne se « nourrit » littéralement de l’Autre afin d’affermir son propre corps et de l’empêcher de se dégrader. Comme le cannibale, les humanistes de la Renaissance pratiquent l’ « innutrition » : ils consomment le corps mort de leurs aînés (le corps textuel des Anciens) pour exister dans la postérité.