2012
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Cinémas : Revue d'études cinématographiques ; vol. 23 no. 1 (2012)
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Martin Jalbert, « Maurice Bulbulian et l’art du langage », Cinémas: Revue d'études cinématographiques / Cinémas: Journal of Film Studies, ID : 10.7202/1013372ar
La production cinématographique du documentariste Maurice Bulbulian est ici lue comme un art marqué au coin de la condition spectrale du langage, où la vérité doit toujours composer avec la coïncidence entre relation et non-relation (Derrida, Rancière). Cet art du langage ne donne pas des documentaires dont les images seraient dotées du pouvoir de résumer une histoire ou de faire parler ce qui se tait, mais un cinéma accueillant des êtres de langage dépourvus de pouvoir dans l’ordre du monde et se constituant, à la faveur des mots, comme sujets politiques capables d’identifier les torts collectifs qui les concernent. Or, les films du cinéaste sont aussi faits de la puissance du montage par lequel le mensonge toujours possible des apparences et des mots se transforme en « vérité » (Bulbulian). Par le montage, les films parviennent à faire résonner les discours dans l’évidence de ce qui est montré à l’écran et à ainsi faire concurrence à la condition spectrale des mots, cette condition d’entités détachées de tout corps de vérité. Cet art contradictoire permet de situer le cinéma politique de Bulbulian par rapport à d’autres pratiques du cinéma direct québécois (Perrault, Leduc, Falardeau).