2013
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Les Cahiers de la Société québécoise de recherche en musique ; vol. 14 no. 2 (2013)
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Martin Guerpin, « Détournements savants du jazz en France et en Allemagne (1919-1922) : Adieu New-York ! de Georges Auric et le « Ragtime » de la Suite 1922 de Paul Hindemith », Les Cahiers de la Société québécoise de recherche en musique, ID : 10.7202/1023741ar
La plupart des travaux consacrés à l’influence du jazz dans le domaine de la musique savante s’attachent à relever les points communs et les différences de certaines oeuvres avec le modèle musical auquel elles empruntent.À partir de deux oeuvres représentatives de ces emprunts au début des années 1920, Adieu New-York ! de Georges Auric (1919) et le « Ragtime » de la Suite 1922 de Paul Hindemith, cet article propose d’élargir la perspective comparatiste à des problématiques relevant du domaine des transferts culturels, afin de dégager la dimension nationale de la réception et de l’utilisation du jazz dans la musique savante au début des années 1920, en France et en Allemagne.De quels répertoires de jazz Auric et Hindemith ont-ils pu avoir connaissance ? Comment caractériser la manière particulière dont leurs oeuvres empruntent à ces répertoires ? En quoi des spécificités nationales jouent-elles un rôle dans la manière dont les compositeurs savants utilisent le jazz dans leurs oeuvres ?Loin de chercher à reproduire fidèlement ces musiques, Adieu New-York ! et le « Ragtime » de la Suite 1922 détournent les caractéristiques musicales du jazz afin de proposer de nouvelles voies à la musique savante, hors des canons esthétiques issus du romantisme. Le jazz apparaît ainsi comme un moyen pour de jeunes compositeurs d’affirmer leur singularité. Dans le même temps, chacune de ces oeuvres emprunte paradoxalement à une musique alors clairement identifiée comme étrangère pour affirmer sa propre identité musicale nationale. Alors qu’Adieu New-York ! peut être considéré comme la mise en oeuvre de la redéfinition de l’identité musicale française proposée par Jean Cocteau dans LeCoq et l’Arlequin, le « Ragtime » de Paul Hindemith et son esthétique du laid s’inscrivent en droite ligne dans un courant expressionniste alors en vogue dans la jeune République de Weimar.