2013
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Ethnologies ; vol. 35 no. 1 (2013)
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Luc Charles-Dominique, « La patrimonialisation des formes musicales et artistiques : Anthropologie d’une notion problématique », Ethnologies, ID : 10.7202/1026452ar
La notion de Patrimoine culturel immatériel (PCI) assez récemment formalisée sous l’égide de l’Unesco (2003), constitue l’aboutissement de deux siècles de politiques nationales à visées patrimoniales. Née d’une volonté de préservation et aussi du contexte européen de la création des identités nationales au xixe siècle, elle est totalement corrélée aux institutions sociales et politiques (notamment étatiques), à l’instauration progressive d’une mémoire collective nationale, aux notions protéiformes d’identité, depuis l’identité nationale aux multiples formes d’identités locales et micro-locales. Alors qu’elle épouse totalement les diverses formes de territorialisation culturelle, politique et l’ensemble des revendications qui s’y rattachent, la patrimonialisation est aujourd’hui à la fois un phénomène en expansion fulgurante et un objet d’études fécond pour les sciences humaines et sociales. Ces dernières s’interrogent en effet soit sur « l’émotion patrimoniale » individuelle ou institutionnelle, à la base du processus, soit sur la mise en place de la « machine patrimoniale », à savoir l’ensemble de la « chaîne patrimoniale », de ses phases successives et de ses acteurs, le tout étant aujourd’hui tellement répandu que certains n’hésitent plus à parler de « totalitarisme patrimonial » en regard des dangers de réification et de muséification des cultures qui pourraient en résulter. Alors qu’en France tout au moins, le secteur associatif des musiques et danses traditionnelles s’est rangé globalement derrière cette nouvelle bannière du PCI, cet article tente de faire de façon synthétique l’anthropologie de cette notion problématique.