2015
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Frontières ; vol. 27 no. 1-2 (2015-2016)
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Alice Verstraeten, « Les disparus argentins de deuxième génération : vies paradoxales dans les limbes du social », Frontières, ID : 10.7202/1037080ar
Entre 1976 et 1983, la dictature militaire argentine fait disparaître 30 000 opposants. Ce crime contre l’humanité – reconnu comme tel depuis 2010 – est encore aggravé par les atteintes aux droits des enfants : 500 bébés sont « appropriés » par les militaires et leurs complices. Leurs identités sont effacées, de nouvelles filiations fictives sont créées.Lorsque tombe la dictature en 1983, il est devenu évident que les adultes disparus qui n’ont pas été libérés des camps ont tous été assassinés. Leur disparition est une mort qui ne dit pas son nom, une mort en suspens. Les enfants, en revanche, restent des disparus vivants. Leur mort n’est pas en suspens. Leur vie, si. Leur vie est en suspens, et reste inextricablement liée, dans le réel comme dans le symbolique, à la mort de leurs parents. Je propose de me pencher sur l’espace-temps paradoxal que sont les « limbes du social » où sont confinés ces disparus. En les comprenant comme autant de « noeuds » de l’intime et du collectif, qui continuent de blesser, au présent, l’ensemble de la culture, nous interrogeons la possibilité de sortir de l’impasse symbolique – qui très vite devient une impasse politique. Nous défendons une éthique des vérités multiples, pour éclairer la nébuleuse de l’impunité.