2015
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Les ateliers de l'éthique ; vol. 10 no. 3 (2015)
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Marjolaine Deschênes, « Diagnostiquer le discours sur le care comme symptôme d’une culture désenchantée », Les Ateliers de l'éthique / The Ethics Forum, ID : 10.7202/1037652ar
C’est surtout de Joan C. Tronto que les ambassadrices du care se réclament en France, davantage que de Carol Gilligan. Je montre ici (partie 1) qu’une certainetendance du discours français sur le care peut être diagnostiquée comme le symptôme d’une culture désenchantée, dépouillant le monde non de ses dieux, mais de ses dimensions esthétique, artistique et imaginative. Le renversement que ce discours tend à opérer, de la figure morale de l’autonomie à celle de la vulnérabilité, illustrerait ce « symptôme ». C’est plus précisément l’idée du care comme « maintien du monde » (maintaining the world) chez Tronto que je critique (partie 2), puisque l’auteure exclut de ces activités les domaines esthétique, artistique et intellectuel. Je discute trois auteures ayant déjà critiqué cette notion de care (Barbara Koziak, Sophie Cloutier et Naïma Hamrouni), qui chacune font progresser mon propos vers ce que je considère être un oubli du monde « existentiellement » habitable chez la philosophe. Enfin je contribue à combler ce qui manque dans la théorie de Tronto (partie 3), soit un horizon esthétique et une réflexion sur le langage qui s’encastre dans une herméneutique du soi. Je me penche alors sur un care qui consiste à veiller sur la « fragilité du langage politique » chez Paul Ricoeur. Je conclus que s’agissant de faire du care une valeur publique à la fois féministe et soucieuse non seulement de la vie, mais aussi du monde, les activités artistiques, intellectuelles et éducationnelles sont de loin les plus efficaces, contrairement à ce que Tronto semble penser.