2016
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Nouvelles pratiques sociales ; vol. 28 no. 2 (2016)
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Raymond Massé, « L’éthique de l’intervention face à la pluralité des moralités et aux rapports de pouvoir », Nouvelles pratiques sociales, ID : 10.7202/1041183ar
Toute éthique de l’intervention doit reconnaître qu’il n’existe rien comme « la » morale portée par une communauté morale homogène dans une société donnée, a fortiori dans les sociétés pluralistes contemporaines. Cet article propose, dans un premier temps, que la complexité de l’analyse en éthique des interventions sociales découle de l’existence d’une pluralité de « moralités » (ex. : religieuses, institutionnelles, professionnelles, de sens commun), qui chacune propose des guides pour l’action morale susceptible d’entrer en conflit. En est mise en évidence une dimension politique de toute éthique : ces moralités sont portées par des groupes sociaux et ethniques inscrits dans des rapports asymétriques de pouvoir. Toute éthique de l’intervention devra être consciente du fait que le poids des valeurs et des normes morales soumises à l’arbitrage de l’intervenant dépend moins de leur valeur intrinsèque que du pouvoir de ceux qui en font la promotion. Il dépend aussi du processus sociohistorique de moralisation des habitudes de vie conduisant parfois à la stigmatisation des populations vulnérables, parfois à des croisades morales. L’une des responsabilités de toute éthique est donc de procéder à une analyse critique du poids accordé aux divers discours moraux inscrits dans ces rapports de force au sein des moralités et entre chacune d’elles. Il en va de même, particulièrement, pour les moralités ethniques et la question du respect des traditions.