2019
Ce document est lié à :
Philosophiques ; vol. 46 no. 1 (2019)
Tous droits réservés © Société de philosophie du Québec, 2019
Didier Mineur, « Qu’ont en commun des citoyens en désaccord sur la justice ? Une conception procédurale de la raison publique », Philosophiques, ID : 10.7202/1062010ar
Les théories du désaccord objectent aux tentatives de fondation des premiers principes normatifs de la démocratie, à l’image des fameux principes de la justice de Rawls, qu’elles méconnaissent le désaccord axiologique. Dans cette perspective, la démocratie est justement la procédure adéquate pour le trancher, de telle sorte qu’elle ne saurait être bridée par des principes substantiels fixés une fois pour toutes. Cependant, une conception intégralement procédurale de la démocratie est impossible : le choix de la démocratie, de préférence à une autre procédure, engage nécessairement des valeurs morales minimales. Cette étude cherche à en préciser la nature. Elle soutient que des individus en désaccord sur la justice qui s’engagent cependant dans un projet démocratique partagent une rationalité pratique minimale dont la raison publique rawlsienne, en dépit des apparences, peut fournir le modèle ; en effet, la raison publique peut être comprise comme une procédure qui met en oeuvre le principe de réciprocité équitable, plutôt qu’une conception déterminée de la justice. Parce qu’elle constitue un concept procédural de la rationalité pratique, elle permet de dessiner les contours d’une théorie de la démocratie ancrée dans le désaccord sur la justice — et non pas seulement sur le bien.