2019
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Sens public ; vol. no. (2019)
Creative Commons Attribution-ShareAlike 4.0 International (CC BY-SA 4.0)Sens Public, 2019
Liina Keevallik, « L’authenticité du flou », Sens public, ID : 10.7202/1067423ar
À notre époque de flux d’information, le flou n’est pas apprécié. On ne veut pas « rester dans le flou ». On considère qu’une photo floue est une photo ratée : pourtant, pour un photographe, il y a plus d’informations dans une image floue. Il en est de même sur la scène de théâtre : la fumée agrandit l’espace en dévoilant les faisceaux lumineux. Le flou scénique – obtenu, selon les époques, à l’aide de coton, de tulle ou de fumée – sait cacher la médiation, mais il sait aussi la dénoncer. La fumée – le flou vivant – ajoute une touche cinématographique à toutes les surfaces. Ainsi, les jeux intermédiatiques entre l’image en mouvement et le décor en contreplaqué sont plus anciens que le « théâtre écranomaniaque » d’aujourd’hui – ils remontent à la machine à vapeur de Wagner et la lanterne nébuleuse de Guyot. La fumée n’est-elle pas plus authentique sur la scène que la vidéo, car elle ne fait qu’imiter la nature qui, avec ses brouillards, résiste à notre phobie du net ?