« Une fissure dans le présent » : la ruine comme échappée chez Sylvain Tesson et Jean-Paul Kauffmann

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2020

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Études françaises ; vol. 56 no. 1 (2020)

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Isabelle Daunais, « « Une fissure dans le présent » : la ruine comme échappée chez Sylvain Tesson et Jean-Paul Kauffmann », Études françaises, ID : 10.7202/1069801ar


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Sylvain Tesson et Jean-Paul Kauffmann accordent une place centrale aux ruines qu’ils croisent, le premier le long des chemins ruraux qu’il suit dans une traversée de la France à pied (Sur les chemins noirs, 2016), le second sur les routes de l’oblast de Kaliningrad, qu’il visite à l’occasion du bicentenaire de la bataille d’Eylau (Outre-Terre, 2016). Le choix par les deux voyageurs de ces destinations marginales et hors du temps n’est pas un hasard : ce sont les ruines, les restes, les débris et les traces qui s’y trouvent qui non seulement les leur font choisir, mais qui, aussi, les aiguillonnent tout au long de leur parcours. En cela, leurs périples respectifs suggèrent un usage contemporain des ruines, qui n’est pas de partir à la recherche de mondes disparus ni d’éprouver leur propre finitude au contact de celle de la matière. Au contraire, Tesson et Kauffmann entreprennent chacun leur voyage dans un but de consolidation : du corps pour Tesson, accidenté quelques mois auparavant ; du sens qu’on peut donner à la survie pour Kauffmann, durablement marqué par son expérience d’ancien otage au Liban dans les années 1980. Les paysages ruinés à la rencontre desquels vont les deux voyageurs constituent une forme d’échappée ; le temps que mesurent pour eux les ruines ne les renvoie pas à un moment spécifique de l’Histoire, mais leur permet d’élargir les frontières du présent, de toucher au passé dans sa généralité et dans son étendue et, par là, d’ouvrir une brèche dans la vision présentiste qu’a notre époque du monde et de l’existence.

Sylvain Tesson and Jean-Paul Kauffmann give a central role to the ruins they come across, the former along the rural paths he follows as he travels through France on foot (Sur les chemins noirs, 2016), the latter on the roads of Kaliningrad’s oblast that he visits on the occasion of the bicentennial of the battle of Eylau (Outre-Terre, 2016). Their choice of such marginal and timeless destinations is not arbitrary : they are spurred and guided by the ruins, the remnants, the fragments and the marks they find throughout their journeys. As such, these voyages suggest a contemporary function of ruins, which is neither to be an incentive for a quest for lost worlds nor to help one’s experience of one’s own finitude. Quite the opposite, as Tesson and Kauffmann embark in their journeys in search of consolidation : for Tesson, that of his body, gravely injured a few months before ; for Kauffmann, deeply scarred by his time spent as a hostage in Lebanon in the 1980s, that of the meaning of his own survival. Their journeys thus serve to expand time and space. The ruined landscapes the travelers encounter serve as forms of escape ; the time measured by ruins does not refer them to a singular moment in History, but allows them to push back the limits of the present, to touch the past in its full extent, thus to challenge the present-centered perception of our times.

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