2021
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Études françaises ; vol. 57 no. 1 (2021)
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Peter Dunwoodie, « Louis Bertrand : autopsie d’une déroute », Études françaises, ID : 10.7202/1076117ar
Deux séries de textes du Lorrain Louis Bertrand (1866-1941) apportent un éclairage unique sur l’impact des événements de 1870-1871. Ses « romans africains » (1899-1904) sont le fruit d’une décennie passée en Algérie, entre 1891 et 1900, au cours de laquelle Louis Bertrand joue un rôle majeur dans le lancement d’une littérature algérienne de langue française et dans le processus de légitimation de la colonisation française à travers les notions d’« Afrique latine » et de « peuple néo-français ». Cette perspective non hexagonale, qui voit dans le musulman algérien un ennemi irréductible, vient étayer un rapport ambigu vis-à-vis de l’Allemagne qui est au coeur des oeuvres de la période 1925-1939, dans lesquelles il attire l’attention, en premier lieu, sur le fait que sa génération est « fille de la défaite » de 1870 et que son héros « comme tous ceux de son pays et de sa génération […] avait été élevé dans l’idée de la revanche ». En auscultant une période clé de sa formation, son autobiographie (Une destinée) analyse des tendances intellectuelles et culturelles collectives des années 1870-1914 pour démontrer que le véritable danger vient non pas de ces ennemis héréditaires « du dehors », mais de la France républicaine elle-même, de sa décadence et du manque du « sens de l’ennemi » (titre d’un ouvrage clé, paru en 1917). Nous analysons comment Louis Bertrand, en « romancier et archéologue », voit chez les néo-Français de l’Algérie (perçus comme des Latins et donc des catholiques) « une école d’énergie et quelquefois d’héroïsme, de régénération physique, intellectuelle, nationale et sociale » qui pourrait stopper le déclin d’une France anémiée et défaitiste.