2021
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Santé mentale au Québec ; vol. 46 no. 2 (2021)
© Département de psychiatrie de l’Université de Montréal, 2022
Olivier Corbeil et al., « Détecter et traiter les troubles comorbides aux premiers épisodes psychotiques : un levier pour le rétablissement », Santé mentale au Québec, ID : 10.7202/1088187ar
Objectifs Des comorbidités plus méconnues que les troubles d’utilisation de substance peuvent survenir chez les personnes vivant un premier épisode psychotique (PEP). Le présent article révise l’importance de ces comorbidités par une synthèse de la littérature, éclairée de l’expérience clinique des auteurs.Méthodes Cinq principaux groupes de comorbidités sont abordés : les troubles anxieux et obsessionnels-compulsifs, la dépression, le trouble de personnalité limite, le trouble lié aux jeux de hasard et d’argent et le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité. Pour chacun de ces troubles, les données, quant à leur fréquence, leur impact sur le devenir des personnes atteintes, leur détection et leur traitement seront abordées et interprétées à la lumière de l’expérience clinique des auteurs.Résultats Ces comorbidités ont été relativement négligées par les recherches, encore plus dans le contexte spécifique des PEP. Les données qui sont disponibles suggèrent néanmoins qu’elles sont très fréquentes dans cette population. Par exemple, on estime que la prévalence du trouble d’anxiété sociale pourrait atteindre 50 % et celle du trouble obsessionnel-compulsif 13,6 %. Les manifestations de ces troubles comorbides sont parfois difficiles à dissocier de celles de la maladie ; plusieurs manifestations des psychoses pouvant être rencontrées dans ces troubles comorbides et vice versa. Par exemple, le retrait social parfois rencontré dans les troubles anxieux ou la dépression peut être confondu avec des symptômes négatifs ; les troubles de comportement résultant des croyances délirantes ou de désorganisation du comportement survenant dans la psychose peuvent mener à un diagnostic erroné de trouble de personnalité ; les symptômes psychotiques survenant dans un trouble de personnalité partagent les caractéristiques de ceux survenant dans les troubles psychotiques ; les difficultés cognitives associées à un trouble déficitaire de l’attention peuvent donner le change pour celles liées directement au trouble psychotique. Dans certains cas, le traitement antipsychotique peut contribuer à l’émergence de manifestations de ces troubles comorbides, par exemple, des troubles obsessionnels-compulsifs survenant sous clozapine, ou le trouble lié aux jeux de hasard et d’argent survenant lors d’un traitement avec un agoniste dopaminergique. Si les traitements de ces comorbidités ont été peu évalués dans le cadre des PEP, les données disponibles et l’expérience clinique suggèrent que les traitements utilisés dans d’autres populations, une fois adaptés au contexte des PEP, peuvent s’avérer efficaces.Conclusion Globalement, il y a peu de littérature portant sur ces troubles comorbides aux PEP. Pourtant, les données disponibles suggèrent qu’ils sont fréquents, que leur détection et leur traitement peuvent soutenir le rétablissement des personnes composant avec un PEP. Ainsi, il est essentiel de les prendre en compte dans une perspective de pratique d’intervention précoce axée sur le rétablissement.