2022
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Ethnologies ; vol. 44 no. 1 (2022)
Tous droits réservés © Ethnologies, Université Laval, 2022
Jayson Althofer, « Nocturnal Experiments on Worthless Bodies : Gothic Poetics in Friedrich Engels’ Ethnography of Night Work », Ethnologies, ID : 10.7202/1096062ar
La condition de la classe ouvrière en Angleterre (1845) de Friedrich Engels constitue une ethnographie multisensorielle pionnière du système de l’usine. Sa critique de la révolution industrielle de la lumière pour une production 24/7 a traduit un imaginaire gothique contemporain de la nuit. Dans The Philosophy of Manufactures (1835), Andrew Ure répudie un médecin qui condamnait les effets du travail de nuit sur les enfants des usines – « si la lumière est niée aux têtards, ils ne deviennent jamais des grenouilles » – en rétorquant que « le nombre et l’éclat des lampes à gaz dans une filature de coton » allaient à l’encontre des enfants qui travaillaient « à l’état de têtard ». Évacuant la pensée d’Ure comme un fantasme aveuglant, Engels a révélé « le vampirisme de la classe des propriétaires » transperçant les travailleurs de nuit avec « une lumière très puissante... la plus nuisible à la vue ». Il a brillamment anticipé la démonstration de Karl Marx dans Le Capital (1867), selon laquelle la révolution industrielle, qui implique l’adoption rapide par le capital des nouvelles technologies d’éclairage, s’est produite « aux dépens des travailleurs. C’étaient de véritables expériences in corpore vili, comme celles des vivisecteurs sur les grenouilles ».