2020
Cairn
Anne-Claude Ambroise-Rendu, « Entre expressionnisme et euphémisation : Les représentations des violences exercées contre les enfants (XIXe-XXIe siècles), d’un régime sensible à un autre », Sociétés & Représentations, ID : 10670/1.0hiec0
Les dernières décennies du xixe siècle sont le temps d’une prise en compte grandissante de la question de l’enfance, ouvrant un siècle nouveau qui verra la fin du xxe siècle identifier et nommer les crimes divers perpétrés contre l’enfance. Dans l’intervalle la hiérarchie du représentable, c’est-à-dire du montrable et du visible semble s’être modifiée : quand les images de la Belle époque ne reculaient ni devant l’évocation des relations sexuelles avec des enfants, ni devant le spectacle des cruautés les plus sanglantes infligées aux enfants martyrs, aujourd’hui plus personne n’ose montrer des enfants battus et ensanglantés et la production iconographique de la dénonciation de la pédophilie est à peu près inexistante. Ce constat amène à interroger cette évolution, cette mutation dans l’ordre des possibles et du représentable à la lumière des mutations culturelles et peut-être même idéologiques, mais aussi des modifications des registres émotionnels qui ont affecté l’histoire du xxe siècle. Et à essayer de comprendre ce qui se joue dans la variabilité du représentable. Car lorsqu’il s’agit de sexualité, le xxie siècle ne s’effarouche pas moins que le xixe, préférant y compris pour les campagnes de prévention, ne pas choquer plutôt que de mobiliser l’artillerie lourde de l’image explicite et crue. Ce choix, qui en dit long sur le soupçon qui continue de peser sur l’image, pourrait bien témoigner aussi d’un embarras à l’endroit des questions relatives à l’enfance.