1 janvier 2020
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Renée Clémentine Lucien et al., « Quand l'éruption enterra un canal. Martinique, Nicaragua, Panama, essai d'histoire connectée », HAL-SHS : histoire, ID : 10670/1.0ihna1
L’objet de notre réflexion concerne une zone géographique catastrophique embrassant l’arc des Grandes et Petites Antilles et l’Amérique centrale (le Nicaragua et le Panama en particulier) marquée dès l’origine par le risque et la vulnérabilité du milieu et de la population due aux phénomènes naturels extrêmes. Présence de volcans en activité, plaques tectoniques en mouvement permanent, séismes et tsunamis et récurrence des ouragans et des cyclones.Ce paroxysme des manifestations catastrophiques des éléments –qu’illustre parfaitement l’éruption cataclysmique de la Montagne Pelée en 1902, sur l’île de la Martinique– marque inévitablement l’inconscient collectif, les identités de ceux qui y vivent, de populations qui oscillent entre l’inévitable besoin d’anamnèse, la mémoire et l’oubli pour dépasser les traumatismes et s’acheminer vers une nécessaire résilience propice à une relance de la vie collective.Il retentit aussi sur les options qui président à l’ordonnancement administratif des territoires et sur les relations géopolitiques qu’entretiennent des nations car au début du XXe siècle, c’est le cœur d’une zone stratégique de première importance (proximité avec la zone interocéanique, la ceinture de l’Amérique), espace de projets pharaoniques mettant en jeu les intérêts des États-Unis engagés dans une dynamique de développement capitaliste et de montée en puissance géopolitique. La récurrence des catastrophes, particulièrement au début du XXe siècle, a rendu non seulement visibles certains points névralgiques de cette région circonscrite entre les Antilles et l’Amérique centrale que les scientifiques et les auteurs de récits de voyage ont fini par associer voire par identifier, mais a également nourri les représentations et les imaginaires, dans la médiatisation de ces catastrophes naturelles par la presse de l’époque, à travers les lignes éditoriales et les codes (le recours à certains canons narratifs, des stéréotypes) et la grammaire iconographique, mobilisés dans la transmission visuelle de ces catastrophes naturelles qui détermine leur réception à l’échelle nationale et internationale.Les retombées de l’éruption de la Montagne Pelée en 1902 ont été cruciales et ce à divers titres : cette catastrophe combine des effets sur un plan scientifique (pour une meilleure connaissance des processus volcaniques et une meilleure prévention de ces événements), sur un plan humain et écologique (étant donné les 30.000 morts et les ravages du paysage), et même sur un plan géopolitique (en lien avec le tracé du canal interocéanique).Comment s’interconnectent des histoires et des mémoires de divers pays (la Martinique/la France, et des pays centraméricains, Nicaragua et Panama) sous l’effet de catastrophes considérées comme majeures dans l’échelle de mesure de la vulcanologie du début du XXe siècle et de la destruction des hommes, compte tenu de la nécessité de construire un passage entre les océans atlantique et pacifique (situé à proximité de cette zone) et des intérêts et retombées économiques et politiques d’une telle entreprise ?