Quels formats de textes pour faire de la fiction une « machine expérientielle » en FLE ?: Pour une didactique de la variation des échelles.

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24 octobre 2023

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Donatienne Woerly, « Quels formats de textes pour faire de la fiction une « machine expérientielle » en FLE ?: Pour une didactique de la variation des échelles. », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.0qmq83


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Cette communication, s’appuyant sur une recherche doctorale, s’inscrit dans la didactique de la littérature pour l’enseignement/apprentissage des langues, et se propose d’interroger le format (extrait, œuvre intégrale) des supports de la fiction dans le contexte de l’entrée dans la lecture longue en FLE, à partir d’une expérimentation s’appuyant sur des écritures de la réception. Dans l’enseignement/apprentissage du FLE, les niveaux intermédiaires (B1-B2) doivent mener à la pratique de la lecture longue, et notamment de la lecture fictionnelle, seuil autant cognitif que symbolique dans l’acquisition de la nouvelle langue. La lecture fictionnelle, parce qu’elle mobilise la perception, les affects, les jugements de valeur et esthétiques, est le lieu de la construction d’une nouvelle subjectivité en langue étrangère. Nous nous appuyons sur la notion d’immersion fictionnelle (Schaeffer, 1999) et sur un paradigme énactif qui fait de la lecture de fiction une « machine expérientielle » (Carraciolo, 2014 ; Burke, 2011), une « simulation tournant non sur des ordinateurs mais dans des esprits » (Oatley, 2011), prenant en compte l’activation des émotions, la corporéité mais également la temporalité du lecteur. Afin de mieux comprendre la possibilité et les modalités de l’immersion fictionnelle chez des lecteurs en formation (Mazauric, 2011) marqués par la fragilité de leurs compétences de déchiffrement (compétence de bas niveau), nous proposons une approche comparative de trois lectures d’une même fiction, le roman policier de Georges Simenon, Maigret tend un piège (1955), déclinée en trois formats : œuvre originale, groupement de textes avec résumés, adaptation en français facile, auprès d’un groupe de 25 apprenants de niveau B1, en contexte universitaire. Nous étudions deux types de traces de lectures : d’une part des rappels de textes, d’autres parts de brèves rêveries de lecteurs, de forme libre. Nous accompagnons les cent vingt textes recueillis de six entretiens réflexifs de relecture, afin d’entrer dans la boîte noire de la lecture fictionnelle en langue étrangère. Lit-on les mêmes fils narratifs et les mêmes niveaux du texte, entre-t-on dans le même espace fictionnel et dans la même activité imaginante lorsque l’on aborde une fiction à travers des groupements de texte, des adaptations ou l’œuvre originale ? Quelle fiction les lecteurs lisent-ils réellement, et de quelle manière la tissent-ils avec leurs propres expériences ou leur médiathèque intérieure ? Nous observons que la lecture longue d’une œuvre difficile est une lecture par bribes qui aboutit à la recréation d’une fiction conforme aux scénarios stéréotypés du genre, de manière transmédiale : les lecteurs précaires s’appuient sur des unités scénariques connues pour pallier leur difficulté à reconstituer une macrostructure cohérente. La lecture en extraits, elle, peut permettre un investissement subjectif important, dans des scènes marquées par une affectivité et une proprioception forte, et s’appuyant sur la réactivation d’expériences antérieures plus que sur l’immersion fictionnelle à proprement parler : la scène du meurtre fait notamment l’objet d’un travail fantasmatique important, comme si les émotions les fortes et les plus profondément ancrées débordaient la difficulté de la lecture. Les entretiens menés avec les étudiants montrent que l’immersion fictionnelle est d’autant plus fluide que la technicité des opérations de bas niveau est gommée : c’est par la médiation de l’adaptation ou avec un étayage fort s’appuyant sur l’échelle de la macrostructure que peut se produire l’ « épiphanie de lecture » définie par Burke. Elle demande dans tous les cas de construire une temporalité de l’expérience, incluant la possibilité d’une maturation, laquelle exclut l’approche par extraits. Enfin, un autre résultat, imprévu, apparaît : les rêveries de lecteur font apparaître que l’immersion fictionnelle dans le récit de Simenon est fortement genrée, quelles que soient les modalités du support (extraits, œuvre intégrale, adaptation) et de la narration (homodiégétique, hétérodiégétique). Cet aspect montre que l’adhésion aux personnages ne dépend pas toujours des dispositifs narratifs mais peut être entièrement conditionné par les caractéristiques du lecteur, notamment pour une œuvre marquée par des stéréotypes de genres comme Maigret tend un piège. In fine, nous proposons d’utiliser les variations des échelles de la fiction (extraction de la macrostructure, scénario, travail sur l’extrait, médiations) en lien avec l’échelles des lecteurs, définie par Caracciolo : perceptions et sensations, prise en compte des valeurs de la fiction, identification aux personnages, évaluation esthétique des textes, afin de favoriser l’immersion fictionnelle des lecteurs en formation. Bibliographie : Burke, Michael, 2011, Literary reading, cognition and emotion: an exploration of the oceanic mind, New York, Routledge.Caracciolo, Marco. 2014, The experientiality of narrative: an enactivist approach, Berlin, Boston, De Gruyter.Le Goff, François, et Marie-José Fourtanier, 2017, Les formes plurielles des écritures de la réception, Diptyque 34, Namur, Presses universitaires de Namur.Mazauric, Catherine, Marie-José Fourtanier, et Gérard Langlade, 2011, Textes de lecteurs en formation, Bruxelles, New York, Peter Lang.Schaeffer, Jean-Marie, 1999, Pourquoi la fiction ? Paris, Seuil.

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