2024
Satyanad Kichenassamy, « Hétérométrie, cohérence et discours apodictique : la dérivation du théorème du carré de la diagonale chez Baudhāyana », HAL-SHS : histoire, philosophie et sociologie des sciences et des techniques, ID : 10670/1.0y4edu
L’énoncé général du théorème donnant l’aire du carré construit sur la diagonale d’un oblong est d’abord attesté en sanskrit, dans le discours général du Śulvasūtra de Baudhāyana (Prop. I, 1-62). Une tradition tardive attribue ce résultat à Pythagore. Une analyse serrée du passage pertinent de ce discours montre qu’il indique également les étapes de sa dérivation. Pour ce faire, quatre éléments originaux de l’épistémologie mathématique indienne doivent être pris en compte. D’abord, discours, construction et conceptualisation se répondent, comme dans la théorie de l’acte en contexte védique. Ensuite, la logique indienne la plus ancienne accorde une place essentielle à la cohérence du discours ou yukti (P.-S. Filliozat), terme dont le sens s’est modifié à basse époque, particulièrement en contexte bouddhique, même si on le retrouve encore dans la rhétorique tamoule. En outre, la mathématique indienne emploie un concept sans équivalent moderne, l’hétérométrie, dans laquelle l’unité de mesure est modifiable et divisible, et peut être combinée à des unités dérivées, de sorte que les notions de monade et d’irrationnel perdent leur pertinence. Enfin, l’analyse d’autres textes mathématiques, en Inde et ailleurs, a établi que la communication entre savants reposait sur une forme de discours inconnue de la rhétorique classique, le discours apodictique, dans lequel définitions et éléments de preuve sont indiqués par la formulation des résultats et leur organisation en un discours cohérent, immédiatement intelligible par le savant contemporain de l’auteur, et qui participe de sa culture épistémique.