7 février 2020
Katja Ploog et al., « Mobilité, histoire et émergence d'un concept en sociolinguistique », HAL-SHS : linguistique, ID : 10670/1.134d6i
Figure de proue de la conception occidentale d’un monde globalisé, le concept de MOBILITÉ est aussi très largement exploité dans différents paradigmes théoriques en sciences humaines et sociales. Les auteures, sociolinguistes, retracent le profil de cette notion, partant des discours tenus à propos dans leur propre discipline. Le 1er chapitre fait état d’une réappropriation du concept issu des sciences humaines, principalement de la géographie, sans reconceptualisation disciplinaire. D’autre part, élaboré discursivement dans des positions non topicalisées, le terme MOBILITÉ est davantage un présupposé qu’un véritable objet du discours. Le chapitre 2 est consacré à la recherche de l’émergence conceptuelle de MOBILITÉ dans le discours sociale par l’étude des usages discursifs plus généraux, rendue possible par le corpus Frantext (base de données textuelle accessible en ligne, constituée de données littéraires et de presse contemporaine et historique). Autant qu’il reste insaisissable en sciences du langage, l’ancrage du concept de MOBILITÉ en sciences humaines est solide. L’émergence du concept en géographie humaine et en sociologie (que l’on retrouve également en anthropologie, en sciences politiques), partant de l’espace physique et de l’exploration concrète de cet espace, est l’objet du chapitre 3. Le chapitre 4 revient aux travaux des sociolinguistes qui, le plus souvent contribuent à répercuter l’injonction à la mobilité constatée dans le monde social, en adoptant la MOBILITÉ comme donnée d’étude centrale sans en assurer une conceptualisation réelle, s’efforcent néanmoins de créer de nouveaux paradigmes théoriques, distinguant une tradition nord-américaine et une approche européenne, permettant de dépasser la grammaire (la linguistique d’un système où tout se tient) en rapprochant les sciences du langage des sciences humaines. Le 5ème et dernier chapitre de cet ouvrage propose une conceptualisation de la MOBILITÉ propre à notre domaine, la sociolinguistique, qui se veut respectueuse à la fois des filiations interdisciplinaires et des objets d’étude dans la mire des sociolinguistes depuis plus d’un demi-siècle. Les propositions concrètes données dans ce chapitre visent à rendre opérationnelle la MOBILITÉ pour les sciences du langage, en l’inscrivant au centre d’une linguistique désireuse d’appréhender les langues et les discours qui en témoignent comme des entités foncièrement dynamiques au sein d’un système complexe.L’originalité de cette ouvrage tient également dans le fait que, pour approfondir les constats et propositions précédemment listés, les auteures ont invité des chercheur/es de disciplines affines comme la sociologie et la philosophie (Ch. Mincke, J.-F. Dupeyron, C. De Gourcy) à éclairer la notion par un objet d’étude relatif à leur domaine (criminologie, éducation et immigration). Témoignage de ce procédé humain élémentaire qui consiste à forger nos représentations les plus abstraites à partir de l’espace perceptible, le propos de notre ouvrage encourage à comprendre la mobilité comme construction d’un « chez soi » dans le langage, bien au-delà des idéologies libérales.