17 juin 2023
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Jean Gardy ESTIMÉ, « Hegel, la Dialectique du Maitre et de l’Esclave et la Révolution de Saint-Domingue », HAL-SHS : histoire, philosophie et sociologie des sciences et des techniques, ID : 10670/1.18vfq6
Le 18 novembre 1803, une bataille livrée par les insurgés de Saint-Domingue, fait reculer la plus puissante armée du temps de Hegel, et met fin à la tentative de Napoléon Bonaparte de rétablir l'esclavage sur l'Ile. Cela constitue, pour de nombreux commentateurs, une des prouesses les plus originales de l'histoire universelle, puisqu'il s'agissait d'une « réalisation spectaculaire des esclaves qui, en renversant l'ordre ancien des choses, parvenaient à s'organiser pour [….] se transformer en de vrais hommes, en État-nation lorsqu'on sait, que peu avant la veille du soulèvement, des milliers d'esclaves pouvaient trembler devant un seul blanc » (Claudy Delné, 2013 : 56). Ainsi nombreux sont les auteurs à reconnaitre que « la révolution haïtienne a renforcé les tendances aux insurrections et révoltes d'esclaves au XIXe siècle à travers la Caraïbe et les Amériques en général » (Laënnec Hurbon, 2009 : 65-75). Un grand nombre d'études récentes sont unanimes à soutenir que la révolution haïtienne est un évènement marquant, comme la face qui « sans cesse revient hanter la modernité occidentale » malgré les tentatives de la marginaliser. C'est dans cette ordre d'idées que Tavares et Buck-Morss y voient la principale source historique de la fameuse « figure de la conscience » de Hegel, le creuset et « l'épreuve du feu pour les idéaux des Lumières françaises. Et tout Européen qui faisait partie du public des lecteurs bourgeois le savait » (Susan Buck-Morss, 2009 : 44). Mais Hegel semble chercher, selon Matthieu Renault entre autres, à cacher et à dissimuler ces sources caraïbéennes abolitionnistes, « ne serait-ce que pour mieux annuler philosophiquement les effets potentiellement subversifs de cette réalité pour mieux la supprimer » (Matthieu Renault, 2021 : 21-32).