16 janvier 2018
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Goran Subotic, « Les souvenirs de la détresse. L’écriture de l’affectivité dans quelques Mémoires français du XVIIe siècle », Theses.fr, ID : 10670/1.1aucya
En rédigeant des récits rétrospectifs sur leurs vies, les mémorialistes du XVIIe siècle prétendent davantage rendre compte de leur vie publique et des événements historiques que de témoigner sur leur vie privée, sur leur intériorité et sur les aspects de leur personnalité. Peut-on dès lors dire dans les Mémoires ce qui fait mal ? Quelles sont les modalités scripturales de l’expression de l’émotion ? Quels effets narratifs un tel récit a-t-il sur la composition générale de l’oeuvre ?Cette thèse s’interroge sur l’écriture de l’affectivité dans un contexte de la tradition mémorielle du XVIIe siècle dont le discours sur l’émotion fait l’objet d’un double contrôle. D’une part, les interventions éditoriales posthumes des Mémoires, informées par une vision historiographique du genre, modifient les textes originaux pour qu’ils paraissent moins personnels et moins partiaux en vue de contribuer à l’Histoire. D’autre part, l’écriture des Mémoires se réalise dans un contexte social et culturel qui veut que le discours émotionnel, aussi bien écrit que parlé, soit soumis à un régime de la modération des émotions et à une autocensure quand il s’agit de parler de soi. L’écriture de l’émotion dans les Mémoires doit dès lors être comprise dans ses conditions culturelles de production en tant que dépendante d’une situation sociale spécifique du mémorialiste.L’expression du désarroi est le produit d’une incessante négociation entre le silence et la parole, entre le dicible et l’indicible, entre ce qu’il convient de dire et ce qu’il convient de taire. C’est ce point de tension qui apparaît dans les récits de l’expérience personnelle des auteurs entre l’expression de l’émotion ressentie par les narrateurs à la première personne, d’une part, et l’effort pour atténuer leur sensibilité dans le geste de l’écriture, d’autre part, qui fait le noyau principal de cette recherche.