11 décembre 2019
Julia Castiglione, « L'œil et la main ˸ juger la peinture à Rome à l'orée du XVIIe siècle. Giulio Mancini, courtisan et théoricien », HAL-SHS : histoire, ID : 10670/1.1qtrtc
Juger les tableaux, évaluer leur qualité, estimer leur prix relève de nos jours d’une expertise spécifique, aux mains d’acteurs vers lesquels se tournent les salles de ventes, les musées ou les propriétaires de collections. À Rome au XVIIe siècle, différents groupes s’affrontent pour s’approprier cette compétence, notamment en vue d’accéder au rôle de conseiller à la cour des grands collectionneurs. Alors qu’émerge progressivement un marché des tableaux et que la circulation des œuvres s’amplifie, savoir estimer leur valeur devient une capacité essentielle. Si l’évaluation du prix est traditionnellement un rôle dévolu aux peintres, qui s’estiment les uns les autres au sein de leur corporation, l’émergence de critères commerciaux nouveaux tend à saper l’autorité de la profession en matière de jugement. Cette recherche s’intéresse au processus de captation de cette expertise, qui se détache du savoir-faire des peintres au profit de courtisans spécialisés dans le conseil en matière de peinture. Cette compétence dévolue aux gentilshommes est théorisée par Giulio Mancini dans son traité Considerazioni sulla pittura. En croisant ce texte et la transcription de certains de ses traités inédits, il s’agira de voir comment ce jugement artistique s’intègre plus largement à une culture courtisane partagée. À la croisée de l’histoire, de l’histoire de l’art et de la littérature, cette recherche entend analyser ce processus historique de formalisation d’un jugement artistique s’autonomisant par rapport à la pratique, à la lumière des discours qui l’ont rendu possible et de la reconfiguration des critères de valeur des œuvres d’art.