13 juin 2023
info:eu-repo/semantics/OpenAccess
Frédéric Bories et al., « Brassens parmi les poètes : la poésie en toute liberté », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.1u5ei9
Brassens a mis en musique une quinzaine de poètes : des romantiques majeurs (Hugo, Musset, Lamartine) ou moins connus (Hégésippe Moreau), ou encore ses contemporains, (Norge, Antoine Pol, Aragon – qu'il avait pourtant pris pour cible dans ses chroniques du Libertaire – et surtout Paul Fort). Il est difficile de trouver un dénominateur commun entre des poètes aussi différents que le catholique Jammes ou l’iconoclaste Richepin ; pourtant, les œuvres que Brassens revisite sont souvent issues des « poètes maudits » (Villon – qu’il présente comme un précurseur des anarchistes dans Le Libertaire – Verlaine…) ; elles s’en prennent aux valeurs bourgeoises (Les Oiseaux de passage, Les Philistins), au pouvoir (Le Verger du roi Louis, Le Roi boiteux) au patriarcat (Marquise, Gastibelza), et célèbrent une conception très libre de l’amour (La Marine, Comme hier, Les Passantes). Les liens entre préoccupations esthétiques et engagement éthique sont au cœur de sa réflexion. Armand Robin, poète et écrivain libertaire qui milita, comme Brassens, à la Fédération anarchiste, lui conseilla de lire divers auteurs (Bakounine, Proudhon , Kropotkine…) et l’amena à rencontrer certains poètes : « Comme il avait des accointances avec le milieu littéraire, il invitait des auteurs. Je me rappelle qu’André Breton vint nous faire une causerie… ».Roger Toussenot, philosophe libertaire, intime de Brassens, estime que de « très rares vrais chanteurs dignes de considération sont évidemment des poètes, des continuateurs lyriques, des espèces de compositeurs intuitifs et bricoleurs, tels que Carco, Trenet, Ferré, et au dessus de tous, Brassens. En toute diversité, ils constituent un héritage de Villon, de Marot, de Ronsard, de Verlaine, et de Jammes. Mais Brassens […] est le classique, le traditionaliste, qui fait bande à part. » Il précise, en mars 1954 : « …Que Brassens soit un grand poète, sa célébrité actuelle ne saurait me l’apprendre. […] Cette voix étrange contient toute la richesse tragique et profonde de Villon, la pitié philosophique de Shakespeare, et l’ardente poésie du sentiment anarchiste. Cet homme qui chante la révolte est un doux, ce pur poète, si dignement dépouillé, est une conscience… »