28 octobre 2014
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Catherine E. Laurent et al., « Occupational exposure to pesticides : challenges for research, evaluation and prevention », Archive ouverte de Sciences Po (SPIRE), ID : 10670/1.1zkqf1
Le groupe de travail "travailleurs agricoles et pesticides" créé par l’Anses en 2012 a pour objectif d’identifier et de caractériser les situations d'exposition aux pesticides des personnes qui, en France, ont une activité dans le cadre de l'exploitation agricole (main d'oeuvre familiale, salariés permanents et occasionnels, intervenants extérieurs...). Il met en œuvre un large éventail de disciplines (agronomie, économie, épidémiologie, ergonomie, expologie, histoire, métrologie, sociologie, toxicologie). La notion de pesticide est entendue au sens large couvrant plusieurs réglementations (produits phytopharmaceutiques, biocides, certains médicaments vétérinaires à usage externe), une même molécule pouvant être présente dans ces trois types de produits. Plusieurs sources d'informations sont analysées : littérature scientifique, littérature grise, données statistiques, divers systèmes d’information où peuvent être répertoriés des informations sur les expositions (par exemple Phyt'attitude)... Les résultats d’une revue systématique de la littérature scientifique disponible sur les situations françaises ont été largement diffusés et ont fait l'objet d'un appel public à contribution complémentaire en février 2014. Ils montrent qu'en France les expositions aux pesticides des personnes travaillant dans l'agriculture sont peu documentées et les informations existantes difficiles d’accès. Moins d'une centaine d'articles ont été identifiés, toutes disciplines confondues, pour toutes les situations de production, sans limite de période. Ces travaux très épars sont insuffisants pour permettre une description et une analyse – et, a fortiori – une hiérarchisation des situations d'exposition pour l'ensemble des personnes travaillant dans l'agriculture. Si pour certains secteurs et certaines tâches quelques données – largement insuffisantes – sont accessibles (viticulture, grandes cultures …) elles concernent essentiellement les tâches de traitement des cultures (préparation, application) et renseignent peu les situations d’exposition « indirectes » lors des travaux post-application. Certains secteurs d’activité sont presque totalement invisibles et/ou n’ont pas fait l’objet d’enquêtes identifiables dans la littérature scientifique (élevage, arboriculture, horticulture/maraîchage, stockage des semences, ateliers de conditionnement des productions, sous-traitance, etc.). De plus, certaines tâches n’ont pas ou peu été prises en compte dans la caractérisation des expositions (tâches de réentrée, contact avec des végétaux ou des animaux traités…). Le bilan est donc assez mince. En toute rigueur, aux inventaires réalisés relatifs aux données scientifiques publiques devraient s’ajouter une description et une mise en perspective de la démarche et des données retenues pour évaluer l’exposition dans le cadre de l’homologation des substances phytopharmaceutiques, biocides et vétérinaires en France. Ces informations souvent confidentielles et d’un accès difficile, n’ont pu être analysées que de façon très limitée. Face à ce déficit d'information, d'autres voies ont été explorées à partir de deux études de cas: la réentrée en arboriculture et les traitements externes contre les parasites en élevage ovin. L'analyse approfondie de la littérature étrangère sur ces deux études de cas met en évidence un ensemble de questions qui sont absentes du débat scientifique et institutionnel en France. Elle permet aussi de discuter des limites d'extrapolation de la littérature étrangère aux situations françaises. Des auditions de différentes personnalités conduites dans ce cadre font ressortir que les différents corpus réglementaires qui encadrent l'usage des pesticides sont souvent conçus dans une logique qui s'écarte des conditions de la pratique. Ils laissent par exemple de côté la question du cumul d'expositions résultant de l'usage de plusieurs produits pour une ou pour plusieurs productions de l'exploitation, et à différents temps de la vie, des personnes travaillant dans les exploitations. Plus généralement, la réglementation qui encadre l'usage des pesticides (sur les produits phytopharmaceutiques, les médicaments vétérinaires, les biocides, les équipements de protection individuels...) et qui vise à évaluer et informer sur les dangers et les moyens de s'en protéger est extrêmement complexe et difficile à maîtriser pour l'ensemble des acteurs concernés, y compris les experts les plus spécialisés. Il est très difficile de rechercher et faire la synthèse des informations disponibles, d’accéder aux données « sources », de transformer en préconisations opérationnelles pour la pratique des informations disparates, parfois incomplètes et contradictoires. En l'absence d'un dispositif de conseil interagissant de façon régulière avec l'ensemble des personnes travaillant dans l'agriculture sur les risques liées aux expositions à l'ensemble des pesticides, en l'absence de plateforme de connaissances partagée, la responsabilité de cette synthèse est donc largement reportée sur les personnes qui travaillent dans les exploitations agricoles.