La politique comme art musical selon Denys d'Halicarnasse

Résumé Fr

L’importance accordée aux impressions auditives dans l’appréciation du style constitue une des originalités de la pensée rhétorique de Denys d’Halicarnasse, pour qui ce qui distingue style et musique est "une différence de degré, non de nature" (DCV 11, 13). Or cette formule célèbre est précisément appliquée à "la science des discours publics". La dimension musicale des sciences politiques ne concerne pas que le langage, mais s’applique à l’art de gouverner lui-même, comme Denys l’exprime à propos de Numa faisant taire la cacophonie de la stasis et rétablissant l’harmonie politique, "ayant accordé l’ensemble du corps social comme un instrument de musique" (AR II, 62, 5). La dimension musicale de l’art politique se faitégalement entendre lorsqu’il s’agit du concept dionysien fondamental de constitution mixte, pierre angulaire d’une suprématie romaine caractérisée par sa capacité à maintenir harmonieusement équilibre et concorde. Ainsi, qu’il s’agisse de bien parler, de bien gouverner ou de bien organiser les structures de l’État, c’est un juste milieu musical que Denys met en valeur, avec l’harmonie intermédiaire, présentée comme un mélange de l’harmonie austère et de l’harmonie polie, avec l’image d’un législateur-accordeur qui tend et détend les cordes de l’ὄργανον politique, ou avec le mélange de monarchie, d’aristocratie et de démocratie qui pour lui assure la stabilité de Rome depuis Romulus jusqu’aux Gracques. À ces trois niveaux, les Antiquités romaines offrent l’illustration de cet idéal musical romain, placé dans le sillage de la Muse attique pure et tournant le dos à la Muse asiatique (DAO 1, 6-7), comme Denys lui-même, Grec d’Asie mineure émigré à Rome.