24 juin 2021
Jacob Cléophas DEFO NZIKOU, « Hans-Georg Gadamer et l'idée d'une herméneutique philosophique autonome. Vers un dépassement de l'herméneutique théologique ? », HAL-SHS : philosophie, ID : 10670/1.3frz7y
Le projet gadamérien de mettre sur pied une herméneutique philosophique autonome est une idée révolutionnaire au sein de la classe herméneutique, qui participe de la volonté manifeste de l’auteur de "L’herméneutique en rétrospective", de tracer une ligne de démarcation entre la démarche de l’herméneutique dans sa version philosophique et celle des herméneutiques (théologique, juridique, philologique, littéraire, scientifique, etc.) déjà constituées dans l’espace et le temps. Les approches dogmatiques et scientifiques dominent les activités herméneutiques de ses prédécesseurs qui sont, pour la majorité, des théologiens et/ou les laudateurs des méthodes positives en vigueur dans les sciences exactes. La conception schleiermachérienne aurait pu combler ses attentes, mais sa tendance très prononcée à intégrer toutes les herméneutiques au sein d’une herméneutique générale du point de vue philosophique, ne laissait guère transparaître l’autonomie de celle-ci par rapport à l’existence de celles-là. Il a fallu qu’au-delà des efforts non négligeables de son prédécesseur Schleiermacher, Gadamer mette sur pied les grandes lignes d’une herméneutique philosophique indépendante des herméneutiques courantes, et notamment de l’herméneutique théologique. Il s’agissait, on le voit, pour Gadamer de dépasser l’herméneutique théologique pour assurer l’autonomie de l’herméneutique philosophique vis-à-vis d’elle, en dépit d’une tradition piétiste qui pèse encore sur ses épaules comme un fardeau. D’aucuns ont vu dans ce dépassement un cloisonnement (discontinuité) rigoureux et programmé entre les deux formes d’herméneutiques ; d’autres, par contre, y ont vu une continuité, en affirmant l’impossibilité pour cette herméneutique philosophique à se défaire entièrement de l’héritage théologique de son auteur. Cependant, une relecture attentive du projet gadamérien tel qu’il se présente en filigrane dans son chef-d’œuvre, "Vérité et méthode", relecture adossée à une méthode historico-compréhensive, permet de concilier les deux points de vue paradoxaux sans empiéter sur l’autonomie de l’une et l’autre discipline. Une telle réconciliation a, pour peu qu’elle soit intelligemment faite, le mérite de dévoiler de nouveaux enjeux épistémologiques, anthropologiques et éthiques, en tant que reflets des apports savamment combinés de la théologie et de la philosophie dans la nouvelle activité herméneutique assumée par Gadamer.