2008
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Patrice Cosaert, « Plaines et hautes terres de la péninsule indochinoise : d'une césure paysagère et humaine fortement marquée à une fracture sociale spatialement indiscriminée », Espaces tropicaux (documents), ID : 10670/1.3jl2g4
La géographie physique de la péninsule indochinoise, comme du reste celle de toute l’Asie orientale, est fondamentalement marquée par l’existence d’un contraste saisissant entre les plaines alluviales ou littorales généralement exiguës (à l’exception des deltas) et les hautes terres, massifs montagneux ou plateaux, qui sont bien plus étendues. Jusqu’à une époque récente, le contraste topographique était renforcé par les caractéristiques biogéographiques, économiques et humaines de ces deux grands ensembles naturels, toutes fortement distinctes, voire antagonistes. Aux plaines rizicoles densément peuplées et occupées par l’ethnie majoritaire dans chacun des états de la péninsule, s’opposaient les hautes terres boisées où se pratiquait une agriculture itinérante sur brûlis par des ethnies minoritaires disséminées en petits groupes mal contrôlés par le pouvoir central. L’intrusion de plantations de type colonial rompait seule la simplicité de l’organisation territoriale. Au cours des dernières décennies, un processus de transformation des hautes terres s’est amorcé : ces vastes espaces jusqu’ici mal incorporés aux entités nationales, ont été l’objet de défrichements et ont accueilli des vagues migratoires successives dans le cas du Viêt Nam, ou au contraire, au Laos, ont perdu une partie de leur population, le pouvoir en place incitant vigoureusement les communautés montagnardes à se fixer dans les plaines. . . Dans les deux cas cependant, ces migrations se sont accompagnées d’une intégration poussée à l’économie nationale, voire à l’économie mondiale, tant des territoires que des communautés qui y habitaient Une véritable fracture sociale apparaît entre ceux qui profitent le plus de la nouvelle économie de plantation et toute une frange de la population privée de terre et paupérisée, qui non seulement ne bénéficie pas des nouvelles opportunités mais voit ses conditions d’existence se détériorer gravement. Nous assistons en fin de compte à l’extension aux hautes terres de la fracture sociale déjà présente dans les plaines et à la périphérie des villes.