13 mars 2024
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Maxance Lardjane, « Vers à thé : dégustation poétique avec Marceline Desbordes-Valmore: Présentation de la poésie de Marceline Desbordes-Valmore au travers de saveurs de thé », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.3v72c7
Les doctoriales du département DeScripto du LARSH, en 2024, avaient pour but de renverser les classiques, et de remettre en question les modalités de publicisation des travaux d'un chercheur. En outre, les doctorants étaient invités à présenter leur thèse de façon originale, par opposition à une façon de faire verticale.Maxance Lardjane, pour ce faire, a joint deux de ses passions pour présenter sa thèse : la poésie et la dégustation de thé.Il a choisi quatre thés et infusions différentes pour présenter, par leur biais, quatre poèmes de Marceline Desbordes-Valmore. Dégustations durant lesquelles, pendant que le thé était servi, le poème était présenté, déclamé, explicité :- pour présenter "Une lettre de femme", il a fait goûter le thé "Parfum de femme" de Christine Dattner. Par ce thé blanc aux notes fleuries, il voulait insister sur la revendication desbordes-valmorienne d'une écriture féminine. Discrète, consciente de la difficulté pour une femme du XIXe siècle d'écrire dans des genres littéraires dominés par le masculin, Marceline Desbordes-Valmore est celle qui, intériorisant que "les femmes ne doivent pas écrire", "écrit pourtant". À une époque où les femmes ne pouvaient pas s'exprimer dans des genres littéraires nobles, sous peine de subir l'opprobre des critiques, Marceline Desbordes-Valmore a affirmé sa féminité, tout en arborant la posture d'une "indigente glaneuse". Une féminité qui s'affirme en tapinois, par moyens détournés, en feignant la simplicité pour avoir le droit d'être publiée- pour présenter le "Cantique des mères", il a fait goûter le thé "Si Versailles m'était conté" de Christine Dattner. Ce thé vert à la poire et à la vanille Bourbon, dont les effluves évoquent Paris, allaient avec le décloisonnement géographique de la poétesse. Il faut savoir que Marceline Desbordes-Valmore aimait Paris (ville mondaine) aussi bien que Douai (ville de l'enfance et de la nostalgie). Cependant, elle avait Lyon en horreur, cette ville où elle a assisté, aux premières loges, au massacre des Canuts. C'est toutefois dans cette ville qu'elle honnissait qu'elle a écrit ses poèmes les plus engagés, dont le "Cantique des mères", qui en appelle à la grâce de la Reine en invoquant sa maternité pour en faire son égale, est un des représentants- pour présenter "À Madame Récamier", poème extrait des Bouquets et Prières de 1843, il a fait goûter le thé "Madame Récamier" de Christine Dattner. Par ce thé blanc aux roses d'Iran, dont les effluves imperceptibles sont comme disparues, il voulait parler de la quantité intéressante de dédicaces funèbres faites par la poétesse, ainsi que de sa place de premier plan dans l'intellegentsia de son temps. La poésie de Marceline Desbordes-Valmore est émaillé de ces œuvres dédicatoires destinées aux disparus, et la salonnière réputée du XIXe siècle, autant que Mlle Mars, étaient autant d'intimes de la poétesse- enfin, pour présenter "La nuit d'hiver", poème extrait des Élegies de 1830, il a choisi le rooibos "Nuit d'hiver" de Christine Dattner. Ce rooibos aux effluves biscuitées, chaleureuses, rend très bien compte de la teneur anticlassique de ce poème où la Muse, figure tutélaire des poètes, est rabaissée à hauteur humaine. Loin d'être transcendante, elle est ici l'amie de la poétesse, que celle-ci invite, lors d'une nuit d'hiver, à partager la discussion d'une confidence, d'égale à égale. Au vu de la saison et de la proximité dans le froid dont fait montre ce poème, cette infusion biscuitée et chaleureuse paraissait s'imposer