11 juillet 2016
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Karine Boiteau, « La sociologie de la traduction comme révélateur des freins et des facilitateurs de la conduite du changement à l'hôpital public : le cas du projet de fidélisation du personnel infirmer de psychiatrie », HAL-SHS : sociologie, ID : 10670/1.5987iz
Notre recherche répond à une volonté d’explorer une méthode d’humanisation de l’implantation des principes du NPM pour rendre le changement à l’hôpital socialement plus acceptable. On pourrait penser au vu de la multitude des réformes (la tarification, la mise en place des nouvelles gouvernances, la gestion prévisionnelle des métiers et des compétences…) que doit intégrer l’hôpital public, que ce dernier est coutumier du changement mais il n’en est rien. En tant qu’organisation pluraliste, il parait plus réaliste de considérer que conduire le changement dans un tel contexte relève du défi. Compatible avec un management polyphonique propice aux changements lorsque des individus aux valeurs et aux intérêts divergents doivent coopérer autour d’une problématique, la sociologie de la traduction s’est donc imposée comme grille d’analyse d’un processus de changement que nous observons, d’une part, et que nous conduisons, d’autre part à travers deux projets visant la fidélisation du personnel : la professionnalisation des parcours d’intégration et la mise en place d’un projet de promotion de bien-être au travail.Dans une posture transformative, notre recherche-intervention repose sur deux études de cas similaires dans des hôpitaux publics faisant face à une pénurie chronique d’infirmiers dans les services de psychiatrie. Le rapport ethnographique au terrain a été favorisé par une CIFRE et nous a permis un recueil de données riches et variées (documents, questionnaires, entretiens individuels et collectifs, observation). Nous avons ainsi contribué à l’identification des déterminants de l’intention de départ des infirmiers de psychiatrie en France grâce à la mise en place de groupes de travail multidisciplinaires. Puis dans une seconde période de mise en oeuvre des projets co-construits avec les acteurs de terrain, nous avons identifié les freins et les facilitateurs du changement. Les freins principaux sont des rythmes et des temporalités de travail incompatibles entre les divers acteurs, une absence de controverse, des attitudes faussement participatives en réunion, la multiplication de projets contingents, un défaut de compétence managériale et de coordination stratégique au niveau institutionnel et enfin un manque de légitimité des projets RH favorisé par une invisibilité du travail réalisé. En revanche, nous retenons que la conduite de projet visant un changement à l’hôpital sera facilitée par la neutralité, la bienveillance et les compétences méthodologiques du traducteur, la co-construction d’un diagnostic et l’implantation du projet sur un site pilote pour favoriser son déploiement, une définition fine des rôles attendus des différents acteurs dans le cadre d’une collaboration pluridisciplinaire inhabituelle, une communication tout au long du projet, y compris pour des micro-changements et enfin l’intégration d’une culture de l’innovation reposant sur le partage de bonnes pratiques.