2020
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Catherine Géry, « L’Usage symbolique du monde des objets dans La Valise de Sergueï Dovlatov », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.5hqec7
De nombreux textes de Sergueï Dovlatov, écrivain soviétique émigré aux Etats-Unis à la fin des années 1970, portent la trace d’une « angoisse de séparation » que la littérature tente de conjurer. Dans La Valise (1986), ce sont des objets à fonctionnement symbolique qui organisent et structurent la narration ; les objets sont signe de reconnaissance, lien (selon un axe horizontal et spatial) et mode de transmission (selon un axe vertical et temporel). Tout en participant pleinement de la mythologie du déracinement, la valise et les objets qu’elle contient sont ce qui permet de transporter le passé dans le présent, l’avant dans l’après, le familier dans l’étranger, le là-bas dans l’ici, l’Union soviétique dans les États-Unis d’Amérique. Mais l’écrivain exilé Dovlatov n’est pas seulement un porteur de valise, c’est aussi un porteur de récits, dont la voix tend à annuler la fracture entre l’avant (l’URSS, objet de la narration) et l’après (les États-Unis d’Amérique, moment de la narration) et assurer en conséquence la chaîne de la transmission de la génération russe des Pères à la génération américaine des Fils. Préoccupé par la question de la filiation, Dovlatov entend que son expérience soviétique ne reste pas lettre morte, et il a mis en œuvre tous les moyens d’une communication sûre et effective, dont le recours à un style pseudo oral et au genre de l’ « anecdote ». En nous transmettant par la voix vive « l’univers des choses soviétiques » et tous les paradoxes de la culture matérielle en URSS, Dovlatov accomplit pleinement dans La Valise le programme benjaminien de la littérature contre l’oubli.