14 mars 2019
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Bruno Perreau, « La réception du geste queer en France. Performativité, subjectivation et « devenir minoritaire » », Presses Sorbonne Nouvelle, ID : 10670/1.5pffo1
La réception des études queer a été largement paradoxale dans le contexte académique français. Alors que les identités furent pensées aux États-Unis comme une forme d’attachement mélancolique à l’expérience de la performativité, plusieurs auteurs français ont voulu constituer un corpus queer basé sur des formes d’expression nécessairement dissidentes. En mettant l’auto-désignation et le jeu de rôle au cœur de leurs réflexions, ils purent aisément se considérer comme politiquement radicaux puisque leurs analyses contestaient les relations de pouvoir au sein des cultures homosexuelles et, partant, semblaient remettre en cause les études gays et lesbiennes jugées trop “conventionnelles”. Cependant, pour pouvoir revendiquer un tel travail critique, ils durent mettre l’accent sur des modes d’expression queer qui faisaient explicitement front aux normes dominantes. Dès lors, la richesse de la théâtralité queer s’en trouvait réduite, et ce d’autant plus que le mot queer lui-même ne charrie pas en français le même stigmate qu’en langue anglaise. Malgré eux, ils favorisèrent le républicanisme le plus conservateur, qui prit appui sur cette vision de la « théorie queer » pour mieux rejeter identitarisme et communautarisme, sans en endosser le coût politique. Cet article retrace la réception de la « théorie queer » en France et interroge les concepts qui ont permis cette circulation des idées : minorité, style, acte de langage, norme, etc.