2019
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Bruno Jetin, « Nouvelles routes de la soie et investissements chinois en Asie du sud-est : gagnant-gagnant ? », HAL-SHS : géographie, ID : 10670/1.5ruwi6
Nouvelles routes de la soie et investissements chinois en Asie du sud-est : gagnant-gagnant ?L’initiative des nouvelles routes de la soie , annoncée par le Président Xi Jinping en 2013, marque un tournant dans les relations entre la Chine et le reste du monde. C’est un projet très ambitieux visant à renforcer les infrastructures de transport, d’énergie et de communication, entre la Chine et les pays d’Asie, d’Afrique et d’Europe. L’initiative a d’abord été présentée au Kazakhstan, en septembre 2013, pour souligner l’importance des routes terrestres traversant l’Asie centrale pour relier la Chine à l’Europe. Un mois plus tard, les NRS étaient l’objet d’un deuxième discours officiel en Indonésie pour marquer le rôle crucial des routes maritimes de l’Asie du sud-est permettant à la Chine de s’approvisionner et d’exporter. En mai 2017, se tenait à Pékin, en présence de 29 chefs d’État étrangers, un sommet des nouvelles routes de la soie (NRS) consacrant le succès diplomatique de l’initiative. Lors de son 19ème congrès en octobre 2017, le Parti communiste chinois l’a inclus dans sa charte constitutive en même temps que la « pensée » de Xi Jinping, pour souligner que le nouvel homme fort de la Chine en ferait un élément structurant de la diplomatie chinoise pour ce 21ème siècle. De fait, les NRS, qui à l’origine incluaient 65 pays d’Asie, d’Europe et d’Afrique, comprend 71 pays en 2018, dont certains d’Amérique centrale et des caraïbes, et affiche une volonté d’expansion en Amérique du sud, dont les relations avec la Chine se sont fortement développées . Ces cinq premières années donnent l’impression que la Chine est allée de succès en succès au détriment de ses principaux concurrents, les États-Unis, le Japon et l’Union européenne. Pourtant, cette première séquence positive de l’initiative chinoise annonce le début des difficultés d’ordre économique, politique et géostratégique. L’heure des annonces est passée et l’on entre dans une deuxième séquence où les promesses d’investissements massifs dans les infrastructures, et ses effets positifs attendus pour le développement économique, doivent maintenant se matérialiser. Les pays d’accueil découvrent que les projets chinois ne sont pas toujours à leur avantage et qu’ils créent une dette qu’ils auront du mal à rembourser. L’alternance politique, dans les rares pays où des élections se tiennent, amène parfois au pouvoir des gouvernements qui souhaitent réviser, voire annuler, les accords signés. La « diplomatie du carnet de chèque », que permettent les NRS, a conduit la majorité des pays d’Asie du sud-est à se résigner à quasi-annexion de la mer de Chine du sud par la Chine, mais ce résultat est fragile. Ce chapitre analyse ce changement de séquences en prenant comme exemple les pays d’Asie du sud-est et leur représentation politique, l’ASEAN. On commencera par étudier l’influence qu’exercent les NRS sur les investissements chinois dans la région. Les investissements chinois à l’étranger, qu’ils soient réalisés par des entreprises publiques ou privées, n’obéissent pas à une seule logique économique, mais s’inscrivent aussi dans la stratégie politique du gouvernement central et/ou des autorités locales. On étudiera dans une deuxième partie les problèmes économiques créés par les projets liés directement aux NRS et la réaction de certains gouvernements.