2008
Cairn
Pascal Nouvel, « Philosophie de la stimulation : Des discours stimulants aux substances stimulantes (et retour) », Les Cahiers du Centre Georges Canguilhem, ID : 10670/1.5x22rj
Cet article traite de la notion de stimulation dans la philosophie et dans les sciences. La notion, quoique rarement discutée en tant que telle, remonte à l’Antiquité, et on la trouve évoquée dans d’anciens textes de la pensée occidentale (chez Platon et, plus tard, chez les stoïciens). Ainsi, il est montré que le concept de stimulant était déjà formé, dans la culture occidentale, au moment où les substances du même nom y furent introduites (la cocaïne et, plus tard, les amphétamines). Toutefois, cette introduction a été suivie d’une inversion complète de la notion : traditionnellement, la stimulation est conçue comme ayant son origine dans l’esprit et son point d’aboutissement dans le corps. Avec les stimulants chimiques (et d’autres substances psychotropes), la stimulation fonctionne dans le sens inverse : elle a son origine dans l’organisme et se manifeste dans la pensée (qu’elle modifie). On montre que cette inversion est cruciale pour comprendre les importants écarts que l’on trouve entre les effets individuels et collectifs de la même substance, ainsi que ses possibles usages politiques. La substance est simultanément agréable au niveau individuel, dangereuse socialement et cependant considérée par certains comme politiquement utile. Enfin, nous montrons que le problème fondamental lié à la notion de stimulation (et aux différents moyens qui ont pu être élaborés pour la produire) renvoie à un concept important de la pensée occidentale : le concept de personnalité.