Le facteur émotionnel de l’activité : analyser les « angles morts » pour améliorer la QVCT. Bilan d’une recherche immersive en Police Judiciaire française

Résumé Fr En

Cette recherche, s’inscrivant dans un projet scientifique élaboré en partenariat entre notre Centre de Recherche et le CR ENSP1, vise à évaluer les risques émotionnels inhérents aux métiers de la police, et les processus de (dys)régulations des émotions mis en place par les policiers/ières et les collectifs policiers, dans un objectif de Qualité de Vie et Conditions de Travail (QVCT). De nombreuses études abordent la question des émotions dans les organisations ces dernières décennies. Mais la composante émotionnelle au travail, dans les pratiques ayant trait à la Gestion des Ressources Humaines (GRH) et au management publics, est un sujet assez récent au sein de milieux professionnels « extrêmes », à haute fiabilité, comme celui de la Police Nationale. Une étude ethnographique et qualitative a été menée par l’auteure au sein de la Direction Territoriale de la Police Judiciaire (DTPJ) d’une métropole française, au cours du printemps 2021. Plusieurs brigades ont été observées : police technique et scientifique, investigation opérationnelle du numérique, division financière, division criminelle, répression du banditisme, office anti-stupéfiants, groupe anti-terroriste. Cette recherche, fondée sur l’immersion de la chercheuse dans des services policiers pendant 26,5 jours et nuits de mai à juin 2021, ainsi que sur 20 entretiens individuels et collectifs, analyse : les émotions vécues par les policiers, leurs pratiques de (dys)régulations émotionnelles aux niveaux individuel, collectif et organisationnel, et révèle leur rapport au sens au travail. Cette recherche fait apparaître l’importance de deux émotions-clefs constituant des « angles morts » du travail : l’intérêt et la frustration, conduisant les policiers à fournir un travail « invisible », et non discuté, sur les affects relatifs à l’activité dans son ensemble. Cette recherche interdisciplinaire mobilise auteure et praticiens autour d’un double objectif : la prévention des risques psychosociaux (RPS), et la QVCT.

The present research, conducted in collaboration with the Research Center of the National Police Agency (Centre de Recherche de l’École Nationale Supérieure de la Police – CR ENSP), aims to evaluate the emotional risks involved in professional police activity, and to assess the processes of (dys)regulation of emotions implemented by police officers and police collectives, with the objective of enhancing their Quality of Life and Working Conditions (QLWC). While many studies have addressed the issue of emotional management in recent decades, little research has been published on the regulation of emotions in the field of Human Resource Management (HRM) for public bodies, and in “extreme” professional environments, i.e. High Reliability Organizations (HRO). An ethnographic and qualitative study was conducted during the spring of 2021 within the Territorial Division of the Criminal Investigation Police ( Direction Territoriale de la Police Judiciaire – DTPJ) located in a medium-sized French city. Seven police units were observed in the course of this study: technical and scientific unit, operational cyber investigations, financial crimes unit, major crimes unit, organized crime unit, narcotics unit, and anti-terrorist investigations. This research, based on the researcher’s immersion in police departments for 26.5 days and nights from May to June 2021, as well as 20 individual and focus-groups interviews, analyzes the emotions experienced by police officers, their emotional (dys)regulation practices at the individual, collective and organizational levels, as well as their relationship to meaning in their work. This research highlights the importance of two key emotions that constitute “blind spots” of police work: interest and frustration. As a consequence of these “blind spots”, police officers furnish “invisible” and undiscussed work on the affects related to their activity as a whole. This type of cross-disciplinary research enables researchers and practitioners to better understand the prevention of psychosocial risks (PSR) and to envision measures to enhance the QLWC for police.

document thumbnail

Par les mêmes auteurs

Sur les mêmes sujets

Sur les mêmes disciplines

Exporter en