24 juin 2021
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Florence Orillard, « La fabrique des services urbains : vers une approche expérimentale, collaborative et distribuée de l'innovation urbaine. Les Urban Living Labs, nouveaux intermédiaires territorialisés de la plateformisation de la ville », HAL-SHS : géographie, ID : 10670/1.89prxl
L'émergence de nouveaux services urbains innovants portés par des acteurs hétérogènes s’accélère, nourrie par le développement des technologies numériques et de leurs usages. L’ampleur de cette tendance encourage les collectivités locales à se positionner face à ces nouveaux services et acteurs, dont les temporalités de déploiement et les pratiques bousculent les stratégies publiques de soutien à l’innovation urbaine et de développement territorial. Dans ce contexte, de nouveaux dispositifs sociotechniques – les Urban Living Labs - émergent et se positionnent comme des intermédiaires dans les processus d’expérimentations urbaines collaboratives qui adressent des enjeux urbains. Les ULLs « institutionnels » sur lesquels se concentre notre recherche sont imbriqués dans les stratégies d’innovation des acteurs privés et dans les stratégies territoriales portées par les acteurs publics locaux. Ce phénomène nous amène à questionner le rôle de ces dispositifs et des expérimentations qu’ils accompagnent dans la fabrique de nouveaux services urbains, en adoptant une approche ancrée en géographie urbaine qui mobilise la théorie de l’assemblage urbain. Dans ce cadre, nous défendons la thèse selon laquelle les Urban Living Labs catalysent le tournant expérimental de l’innovation dans la fabrique des services urbains, et participent à la mise en cohérence des dynamiques d’innovation urbaine avec les orientations stratégiques des acteurs publics locaux. Pour confirmer cette thèse, nous nous sommes appuyée sur une approche comparative située de cinq cas d’étude, implantés dans des capitales régionales ou nationales européennes, ayant en commun des stratégies publiques élaborées de soutien à l’innovation urbaine. Chaque cas articule l’analyse d’un ULL et de son ancrage au sein des réseaux locaux avec l’étude processuelle de l’un des processus d’expérimentation accompagnés par le dispositif. La récolte de nos matériaux empiriques s’est principalement appuyée sur la réalisation d’entretiens semi-directifs menés in situ auprès des équipes des ULLs et des contributeurs des expérimentations, ainsi que sur notre immersion empirique au sein d’un ULL permise par la réalisation de cette thèse dans le cadre d’une convention CIFRE. Cette démarche méthodologique nous a permis de reconstituer les processus opérationnels qui sous-tendent le déploiement des expérimentations, de mettre en évidence le rôle qu’y prennent les ULLs et d’éclairer les stratégies des acteurs qui s’y impliquent. En approfondissant la compréhension des activités d’intermédiation des ULLs et de leur positionnement au sein des réseaux locaux, nous avons mis en évidence que l’émergence de ces dispositifs participe à une évolution de la posture managériale des acteurs publics dans la fabrique de nouveaux services urbains. En effet, ces derniers développent les conditions d’un pilotage distancié des processus d’innovation urbaine, ce qui s’inscrit dans une dynamique plus large de plateformisation de la ville susceptible d’encourager une innovation urbaine plus distribuée, mais cohérente avec les orientations stratégiques priorisées localement. Dans cette perspective, nous avons démontré que les ULLs participent à la constitution de « tiers-territoires » en tant que nouvelles ressources pour les acteurs innovants, qui alimentent l’articulation entre les logiques de territorialisation et déterritorialisation des innovations dans les systèmes urbains. Enfin, notre recherche a souligné l’apport de ces dispositifs dans l’émergence de régimes urbain d’innovation, qui soutiennent de manière plus pérenne les dynamiques locales d’innovation collaborative autour des enjeux urbains.