2024
Cairn
Owen Heathcote, « Balzac et la critique féministe », L'Année balzacienne, ID : 10670/1.8fsj5v
Balzac était-il féministe ? Afin d’esquisser une réponse à cette question épineuse, cet article se demande dans quelle mesure les questions soulevées par les différentes « vagues » du féminisme trouvent un précurseur dans les textes de Balzac. Tandis que Balzac semble anticiper l’importance de la différence sexuée ou sexuelle mise en avant par les féministes de la première vague afin d’accorder toute son importance au « deuxième sexe » dûment revalorisé, il souligne, comme les féministes de la deuxième vague, la centralité du corps de la femme – corps auquel la femme est trop souvent assigné et circonscrit. Comme les féministes de la deuxième vague encore une fois, Balzac expose la violence faite aux femmes par les hommes, surtout à l’intérieur du mariage, devenu, pour certaines de ses héroïnes, une « prostitution légale ». En même temps, Balzac souligne, à la manière des féministes de la troisième et de la quatrième vague, la fluidité de la catégorie « femme » (comme celle de « l’homme ») : le corps de la femme n’est pas seulement monument mais mouvement, ce qui lui permet de se libérer, voire de s’émanciper. Et les soi-disant deux sexes se complexifient eux aussi, à tel point que le sexe cède le pas devant le « genre » et que les sexualités fusionnent et se multiplient. Il s’avère également que la représentation de la prostitution chez Balzac n’est nullement monolithique, la courtisane étant soit stigmatisée soit valorisée ou même les deux à la fois. Le fait que Balzac arrive à conjuguer l’importance de la catégorie « femme » et la mise en valeur de la femme (même « déchue ») tout en démontrant la fluidité et l’ambiguïté des catégories du sexe et de la sexualité fait de lui un pionnier dans la cause des femmes et des féministes.