18 avril 2024
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Gian Maria Tore et al., « « Mettre au monde le monde ». Sur la relation entre sémiotique de la production et production sémiotique », Revue Actes Sémiotiques, ID : 10.25965/as.3213
Le concept de production sémiotique admet au moins une double déclinaison. En premier lieu, et historiquement, il concerne la praxis responsable de la réalisation d’objets qui rentrent dans le domaine de la sémiotique. En d’autres termes, c’est en fonction de la reconnaissance du caractère sémiotique du produit que l’on étudie le parcours historique qui en est à l’origine ; parcours qui, en fonction de cette origine, est pour cela même d’intérêt sémiotique, en tant que « production ». Par exemple, il s’agit de partir d’une œuvre et, une fois qu’elle a assumé le statut de « texte », d’y étudier le travail de l’artiste. En deuxième lieu, on entend par « production » un ensemble d’opérations qui président à la construction sémiotique d’un objet. Or, ce dernier ensemble d’opérations devrait recevoir une formalisation sémiotique qui rende compte du processus de production qui préside à l’achèvement de l’état du produit (et qui est déjà entièrement interne à l’ordre du sémiotique). Si le produit dont il est question est le texte-énoncé (et d’ailleurs cela ne pourrait pas être autrement), alors une théorie de la production coïncide pour l’essentiel avec une théorie de l’énonciation – c’est d’ailleurs ce que Greimas et Courtés remarquaient dans le Dictionnaire, à l’entrée « production ». A partir de cette double déclinaison, une duplicité intéressante découle : un même objet-texte peut donner accès à deux théories de la production, l’une à vocation « exogonique » et l’autre à vocation « endogonique ». La première permet la convocation des pratiques de production historiquement attestées (et par là même, l’étude empirique des pratiques elles-mêmes) ; la seconde conduit à la définition formelle du concept de praxis en sémiotique (à travers un travail fondamental sur la praxis énonciative, travail qui est bien loin d’être terminé). Toutefois, ce hiatus constitue aussi la possibilité d’une connexion. La discussion générale sur le concept de « pratique » demande donc un « nouement » : il sera question de garder ensemble pratiques historiques et modèles sémiotiques, afin d’en évaluer les relations possibles. Pour l’instant, et en exploration, on peut vérifier cet ensemble de problèmes à partir de deux exemples relevants. Le premier est le cas de la notation musicale contemporaine et des phénomènes concernés, entre composition, notation et exécution. Le deuxième exemple sera avancé à partir de quelques compositions d’Alighiero Boetti, dans lesquelles la relation entre projet et réalisation semble suivre des parcours analogues à ceux de la notation musicale.