26 juin 2007
Bertrand Sajaloli et al., « D'un Orléans, l'autre : étalement urbain et risque d'inondation en Val d'Orléans », HAL-SHS : architecture, ID : 10670/1.8ypz2l
Depuis 150 ans, l'agglomération orléanaise n'a pas connu de crues majeures comparables aux inondations de 1846 et 1856 qui avaient engendré de graves dommages matériels et humains. Les aménagements hydrauliques de la Loire, s'ajoutant à cette longue phase d'eaux plus calmes, ont donné à l'Homme le sentiment illusoire de maîtriser le caractère fluctuant des espaces ligériens. Perdant son rôle premier d'expansion des hautes eaux, le Val d'Orléans connut alors un étalement urbain sans précédent, notamment aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale. Ce val, situé en rive gauche de la Loire, à proximité immédiate du centre-ville, correspond en effet à la plus vaste zone inondable de l'agglomération. Il fut progressivement encadré par un vaste dispositif de levées, le déconnectant directement du système hydrologique fluvial. Toutefois, les hautes eaux de 2003, localement marquées par des ruptures de digues, ont rappelé à l'Orléanais la probabilité croissante d'un retour d'une crue d'ordre bicentennal, la vulnérabilité géographique du site face au caractère imprévisible et incontrôlable des inondations. Ainsi naît l'intérêt de corréler l'histoire de la maîtrise du risque avec celle de l'urbanisation. On y lit non seulement l'influence de la culture publique du risque sur les modalités de l'étalement urbain mais aussi l'effacement des zones humides par l'habitat pavillonnaire, en application de certaines théories hygiéniste et moderniste. Pour cela, à partir de supports cartographiques et de plans d'aménagements, nous confronterons les évolutions spatiales induites par l'urbanisation depuis le XIXe siècle aux grandes étapes d'équipement hydrauliques de la Loire (barrages, digues et canalisations). Cette analyse diachronique s'appuiera sur les données issues des livres blancs, rapports et schémas d'aménagement ligériens (émanant depuis les années 1960), des différentes éditions des cartes au 1/25000e et au 1/50000e et photographies aériennes du secteur, des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), du plan de prévention du risque d'inondation (PPRI) et des outils d'aménagement urbain issus des lois de 1962 et 2003, respectivement à l'origine des plans d'occupation des sols (POS) et schéma directeur d'aménagement urbain (SDAU) et des plan local d'urbanisme et schéma de cohérence territoriale (SCOT). Aujourd'hui, si de nombreux textes de lois ont progressivement développé la prévention, la pédagogie et la culture du risque, leur retranscription dans les outils d'aménagements s'avère délicate à accepter et à appliquer aux yeux des riverains et des élus locaux. En effet, l'urbanisation ancienne nuit d'emblée à toute logique préventive ; elle limite les moyens d'actions à la préservation des milieux humides épargnés de toute construction et à la réduction de la vulnérabilité des habitations. Cette ligne de conduite est difficilement conciliable avec les pressions exercées par la croissance urbaine. Elle paraît également vaine à contenir une inondation prononcée. En cas d'un retour de crue de 500 ans, 46 000 personnes devraient être évacuées et l'agglomération serait littéralement scindée en deux du fait de la défaillance probable des ouvrages de franchissement. La reprise de conscience de la vulnérabilité hydrologique du site intervient dans une phase de profonde mutation dans la manière de penser et d'aménager la ville. Le risque agissant comme une catharsis géographique initie de nouvelles mesures tentant d'allier préservation des zones aquatiques, développement urbain et contrôle des hautes eaux. A partir de l'étude de communes particulièrement exposées au risque d'inondation (Olivet, Orléans, Saint-Hilaire-Saint-Mesmin et Saint-Pryvé-Saint-Mesmin), nous relèverons les différentes mesures engagées par les acteurs locaux aussi bien en termes d'urbanisation, de réduction de la vulnérabilité du bâti initial, de pédagogie et de culture du risque et de gestion des milieux aquatiques et paludéens. Nous recenserons le type d'acteurs impliqués dans ce schéma d'aménagement et le type de relations entretenues avec les riverains, notamment dans le cadre du document d'information communal sur les risques majeurs (DICRIM). A travers ces études de cas concrètes, il sera également question de voir que la potentialité d'une crue participe parallèlement à l'élaboration d'une ville plus humaine, plus naturelle et plus vivable à travers l'introduction de concepts porteurs en termes d'aménagement urbain. Nous verrons alors en quoi les notions d'écologie urbaine, de trames bleue et verte et de corridor écologique peuvent introduire de réels systèmes géographiques efficaces. De la même manière, il s'agira d'apprécier la part d'écocitoyenneté et de gouvernance mise en place à travers l'action conjointe des élus et des autres acteurs compétents en question. Ancienne ou nouvelle, les Orléans tendent à redevenir des cités d'eau. D'un idéal urbain asséché, défiant et ignorant son fleuve, l'agglomération se tourne désormais vers ce dernier, acceptant ses fonctionnements écosystémiques et fluctuants.