15 septembre 2022
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Flavie Beuvin, « Aux zones frontières de l’art brut : entre appropriation et dépendance au territoire de l’autre de l’art », Plateforme d'Édition de REvues Numériques PEREN, ID : 10.54563/demeter.813
En nous ressaisissant des mots dont Jean Dubuffet use pour nommer et construire l’art brut qu’il idéalise et qu’il découvre, il s’agit pour nous d’interroger la place apparemment marginale que l’art brut occupe et ainsi les frontières que Dubuffet dessine autour de lui. Nous souhaitons ainsi revenir à la nature du discours théorique de Dubuffet notamment à travers un des rapports dialectiques fondateurs de la pensée du peintre, celui opposant l’art brut et l’art dit « culturel ». Le regard et le récit portés sur les créations des femmes de l’art brut décrites par Dubuffet dans les nombreux fascicules de L’Art brut précisent ensuite la façon dont celui-ci envisage la marge qu’occupent les créateurs et créatrices de l’art brut. Les textes de Dubuffet semblent ainsi relater le destin exotique de créatrices qui sont les figures magiques d’une métamorphose : par les voies de la création, ces femmes du commun deviennent des créatrices autres, hors du commun. Cette métamorphose par l’expérience de la création fait sortir les créatrices de leur « normalité » – terme que Dubuffet utilise pour décrire Laure Pigeon – quotidienne et fait advenir chez elles des impulsions mêlant sauvagerie et animalité. Cette rhétorique récurrente de Dubuffet nous amène à considérer sa quête d’art brut dans un réseau de connexions qui hybride à la fois l’exercice de son pouvoir sur ces créations, fruits d’une expropriation, et son rapport de dépendance aux créateurs et créatrices d’art brut qui nourrissent son travail de peintre.