Cet article propose d’entrecroiser vision clinique et regard historien en se focalisant sur un dossier de patient constitué dans le cadre spécifique de la prise en charge thérapeutique à Fann au Sénégal au milieu des années 1960. En parcourant le dossier de Moustapha H., hospitalisé en 1965 puis 1967 à la clinique psychiatrique, il sera question d’interroger comment la parole donnée aux patients au cœur de la démarche de Fann permet de rendre compte et de prendre au sérieux leurs discours et ceux de leur famille. Par ailleurs, plutôt que de s’intéresser au trouble en tant que tel, il sera question d’interroger ce que dit la manifestation psychique du contexte social et historique dans laquelle elle prend forme. Enfin, la démarche des praticiens de Fann, comme celle de l’historien, n’est pas sans limites et le risque d’enfermement du patient et de sa famille comme objet d’étude ou objet d’histoire, plutôt qu’acteur de sa propre histoire demeure.
This article proposes to interweave a clinical view and a historical perspective, focusing on a patient file constituted within the specific framework of therapeutic care at Fann in Senegal in the mid-1960s. From examination of the patient file of Moustapha H., who was hospitalized in 1965 and 1967 in the psychiatric clinic, we will explore how the opportunity given to patients to express themselves is at the heart of the Fann approach makes it possible to seriously take account of what they and their families have to say. In addition, rather than focusing on the disorder as such, we will explore what the psychic manifestation has to say about the social and historical context in which it takes shape. Finally, the approach of the Fann practitioners, like that of the historians, is not without limits and the risk of confining the patient and his family as objects of study or objects of history, rather than as actor of their own history.
Este artículo propone cruzar la visión clínica y la perspectiva histórica centrándose en la historia clínica de un paciente durante su seguimiento terapéutico en Fann, Senegal, a mediados de la década de 1960. Al revisar el archivo de Moustapha H., hospitalizado en 1965 y luego en 1967 en la clínica psiquiátrica, se tratará de cuestionar cómo la voz dada a los pacientes permite considerar y darles valor a sus discursos y los de sus familias. Además, más que centrarse en el trastorno como tal, se tratará de cuestionar qué dice la manifestación psíquica sobre el contexto social e histórico en el que se cristaliza. Finalmente, el enfoque de los profesionales de Fann, como el del historiador, no está exento de límites, permaneciendo el riesgo de confinar al paciente y su familia como un objeto de estudio o un objeto de la historia, más que como un actor en su propia historia.