La civilité est-elle réac ?

Résumé Fr En

La civilité est un concept qui fait aujourd’hui l’objet de polarisations très fortes, sur les plans à la fois disciplinaire et idéologique. Pour les uns, elle figure un éden perdu, pour les autres, un mot d’ordre piégé, l’instrument d’une lutte pour l’ordre, en soi réactionnaire. Cette situation appelle une analyse de type généalogique afin d’éclairer la façon dont cette opposition binaire s’est imposée. L’article montre comment le développement du problème public de l’incivilité en France à partir des années 1990 a contribué à structurer l’étude de la civilité et de l’incivilité comme deux domaines distincts, et à configurer les questions relatives à la civilité dans les termes d’une opposition idéologique dont la question de l’ordre est devenue l’enjeu central, plaçant la civilité du côté de la pensée réactionnaire. On arguera que la mise en œuvre d’une démarche d’enquête prenant pour objet les interactions civiles appelle à dépasser cette perspective binaire et à envisager la civilité comme une activité dynamique, visant à définir le juste réglage des conduites en public, où le rapport des conventions à un sens ordinaire du juste fait l’objet d’une attention critique et d’une enquête itérative, plutôt que d’une application ou d’un rejet aveugles.

Is civility reactionary?The concept of civility has become a highly polarizing one, from both an academic and an ideological perspective. While some view it as a paradise lost, to others it is but a booby-trapped watchword, a law-and-order device, reactionary by nature. This situation warrants a genealogical approach if one is to shed light on how this binary opposition has been allowed to prevail. This article shows how the rise of incivility as a public issue in France from the 1990s has contributed to splitting the study of civility and incivility into two separate domains, setting up the debate on civility as an ideological struggle centered on the question of order, in which civility is placed on the side of reactionary thinking. It will be shown that ethnographic surveying of civil interactions calls for us to move beyond this binary perspective, ultimately considering civility as a dynamic activity aiming to fine-tune public behavior, where the relationship of conventions to an ordinary sense of fairness is critically assessed and subjected to an iterative survey by city-dwellers, as opposed to being blindly applied or rejected.

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