1 septembre 2015
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Mériam Cheikh, « Devenir respectable. Une jeunesse populaire féminine au prisme de l’économie intime (Tanger - Maroc) », HAL-SHS : études de genres, ID : 10670/1.avh3cq
This file contains only the introduction of the dissertation that was published in 2020 under the title "Les filles qui sortent. Jeunesse, sexualité et prostitution au Maroc" published by Editions de l'Université de Bruxelles and which will soon be available for free access.Basée sur une enquête ethnographique, ma thèse étudie les pratiques prostitutionnelles à Tanger (Maroc) sous trois angles d’observation : la socio-anthropologie des émotions, en étudiant leur conceptualisation par les acteurs ; la sociologie de la jeunesse, en inscrivant ces pratiques dans une culture sexuelle juvénile plus large ; la sociologie des inégalités, en m’intéressant à l’essor des économies culturelles et du divertissement et aux ségrégations spatiales qu’elles impliquent, mais aussi en étudiant les modalités de l’application du droit pénal et les mécanismes d’une criminalisation qui mettent en lumière la prééminence de l’ordre social sur l’ordre moral.J’interroge le travail du sexe, ou « le sortir » pour reprendre la terminologie des enquêtées, en termes d’économies intimes révélant ainsi l’entremêlement du monétaire et de l’affectif dans les échanges économico-sexuels. Sous cet angle, il m’est possible d’examiner comment les jeunes femmes urbaines issues des classes populaires utilisent cette économie comme un moyen de valorisation sociale et de transformation des statuts sociaux et des positions de genre au sein de la famille et du couple. Au-delà des définitions hégémoniques de la prostitution, qu’elles soient critiques (illicéité et immoralité) ou compassionnelles (précarité, atteinte à la dignité humaine), je m’intéresse aux rapports sociaux, aux interactions et aux modalités de formation du sujet à travers ces échanges. En m’appuyant sur la théorie de l’espace social, je montre comment l’économie intime est un ensemble de positions, hiérarchisées entre elles et qu’occupent les filles selon leur valeur personnelle (l’acquisition de capitaux culturel, économique, symbolique et social), selon la valeur accordée à leurs pratiques et selon leurs facultés à mobiliser des ressources économiques et culturelles et à subvertir les relations de pouvoir telles qu’elle s’agencent au sein des espaces prostitutionnels, de divertissement, familiaux et institutionnels (fréquentation de l’école, modalités des rapports avec la police et la justice). Enfin, j’appréhende les expériences des jeunes femmes en termes de respectabilité en les comparant à l’ensemble des expériences féminines qui informent l’actualité des féminités au Maroc.