6 juillet 2023
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Françoise Létoublon, « La naissance d’un langage de l’abstraction en Grèce archaïque », Gaia, ID : 10670/1.b1s8df
Cette réflexion sur la langue et les textes grecs de l’époque archaïque vise à montrer comment la pensée abstraite, et les notions abstraites elles‑mêmes — en particulier les concepts d’être, de non‑être et d’infini —, se sont dégagées à partir d’usages courants, concrets de la langue grecque, connus depuis la poésie homérique : la désignation des étapes du temps au chant I de l’Iliade par des participes substantivés du verbe « être », τά τ᾽ἔόντα τά τ᾽ ἐσσόμενα πρό τ´ ἐόντα a permis à Parménide d’inventer la notion abstraite d’être en mettant le participe substantivé au singulier, τὸ ὄν ou ἐόν, et celle de non‑être en lui adjoignant la négation μή. L’emploi homérique de l’adjectif ἀπείρων pour désigner la mer et le ciel comme « sans limites » pour la perception humaine avait déjà permis à Anaximandre, en substantivant l’adjectif au neutre, d’inventer la notion abstraite d’infini. Dans les deux cas, il y a continuité par rapport au formulaire homérique, mais la substantivation et surtout le passage au singulier dans le cas des Éléates implique une rupture conceptuelle capitale, le passage d’une langue poétique à une langue philosophique.