23 novembre 2022
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Romain Courault et al., « Cartographie de l’impact des canicules sur les systèmes urbains : cas d’étude comparatif Grand Paris / Greater London », HAL-SHS : géographie, ID : 10670/1.bf13sh
En ville, l’îlot de chaleur urbain (ICU) implique un différentiel de température important entre centre/périphérie, commandé par différents facteurs : 1) piégeage de la chaleur sur des surfaces minéralisées à la géométrie dense et haute, 2) limitation de la ventilation, 3) chaleur générée par les activités humaines, et 4) fraction limitée en zones végétalisées, sols naturels et surfaces en eau. Les propriétés biophysiques et géographiques du bâti urbain altèrent également le cycle de l’eau, avec pour conséquences principales des écoulements superficiels intensifiés, et des taux d’humidité moins importants comparativement aux zones rurales adjacentes. Plus globalement, , si l’augmentation des T°C urbaines contribue peu au changement climatique actuel, le changement climatique actuel contribue bien à augmenter la fréquence des extrêmes de températures nocturnes en ville. Londres (GL) et Paris (MGP) sont deux mégalopoles désormais soumises à de fréquentes et intenses vagues de chaleur. En été, les effets d’îlots de chaleur urbain (ICU) en situation synoptique de vague de chaleur (VC) constituent des risques prononcés pour les organismes vivants. Pour les populations humaines, les ICU exacerbent les comorbidités, tandis que les communautés animales et végétales urbaines doivent gérer un stress thermique et hydrique supplémentaire (transpiration). Ainsi, d’après les critères définis par les autorités sanitaires anglaises et françaises (MGP : Tn & Tx >21 et >31°C sur 3 j. ; GL : Tx >90% sur 30 ans), les épisodes de VC sont sélectionnés dans les chroniques journalières pour les 30 dernières années (1992-2022). Une typologie des situations atmosphériques propices aux VC est réalisée, à l’échelle de l’Europe médiane. Après sélection des nuits tropicales, celles-ci sont agrégées temporellement pour cartographier les températures de surface nocturnes (LST ; MODIS 11A1, 2002-2022) à l’échelle de MGP et GL. Par îlot urbain/boroughs, les revenus des ménages, la couverture végétale et les types d’occupation des sols sont pris en compte, en vue d’une comparaison des LST nocturnes entre GL et MGP, sur indicateurs socio-économiques et biophysiques. Le premier résultat interroge en premier lieu la définition même de VC. Après prise en compte des indicateurs thermiques donnés par les instituts météorologiques et les autorités sanitaires anglaises et françaises sur les Tn et Tx donnés à Montsouris et à Heathrow, il ne reste qu’un faible effectif de nuits tropicales respectant tous les éléments de définition des VC. On décide donc de ne prendre en compte que l’indicateur thermique de dépassement de seuils journaliers. A titre d’exemple, pour Paris-Montsouris, le dépassement des seuils de TN>21°C et TX>31°C est franchi pour 70 journées entre 1992 et 2022. A l’échelle continentale, les situations de blocages et de dorsales anticycloniques sont les plus régulièrement retrouvés, et associés aux épisodes de VC. Régionalement, les résultats montrent que pour les deux villes, les LST nocturnes sous ICU sont bien plus fraîches à GL que MGP (respectivement, 17,7 et 23,4°C). Cette régionalisation des LST nocturnes sous ICU est exacerbée par l’hétérogénéité du tissu urbain entre les deux villes. Par exemple, le tissu urbain dense représente ~20% de la surface totale de MGP, contre ~2% pour GL. A contrario, les surfaces en eau et semi-naturelles comptent pour ~15% de la surface totale de GL, contre 10% pour MGP. Pour MGP, le climat continental plus marqué, la forte chenalisation et l’enserrement de la Seine, une morphologie urbaine plus compacte et l’isolement des bois urbains contribuent à un très faible rafraîchissement nocturne, comme en témoignent la quantification des LST sous VC. Dans la MGP, les revenus des ménages sont positivement corrélés avec les températures nocturnes, ceci correspondant au « paradoxe haussmannien », c’est-à-dire au fait que dans Paris et sa banlieue, les quartiers habités par des ménages aisés ont tendance à être plus denses et peu végétalisés. Ces premiers résultats doivent être relativisés, notamment par la qualité d’acquisition des données LST-MODIS, les mesures fiables de l’émissivité des sols restant fortement conditionnées par le couvert nuageux lors de la prise de vue, et plus largement par la présence d’aérosols en basse couche.