10 juillet 2023
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François Guillet, « Le temps suspendu : les jeux d’argent en France de la Révolution à la monarchie de Juillet », Revue d'histoire culturelle, ID : 10670/1.c9snwy
La période allant de la fin du XVIIIe siècle à la monarchie de Juillet est celle d’un essor sans précédent des jeux d’argent, en partie sous l’effet d’institutions publiques comme la loterie et la ferme des jeux. À tel point que le jeu devient, sous la plume des romanciers, une des métaphores les plus courantes de la société moderne. Le temps du jeu prend cependant des formes variées en fonction des groupes et des classes sociales. Le jeu est partie prenante d’un ethos aristocratique où le gaspillage ostentatoire du temps et de l’argent est un impératif social, mais participe aussi, à côté de multiples divertissements, à l’essor du loisir urbain. Dans les classes laborieuses, le jeu s’insinue dans les espaces libres laissés par le travail, mais connaît aussi des formes plus institutionnalisées avec les maisons de jeu et les tripots, parfois éphémères, qui ont la nuit pour domaine. Si le temps consacré au jeu fait partie des divertissements nécessaires au repos de l’âme et du corps, selon la théologie chrétienne, la passion du jeu fait l’objet de discours superposés qui tous la condamnent. Au discours théologique s’ajoutent le discours philosophique, puis le diagnostic posé par la médecine anatomo-clinique. Tous dénoncent la perte de la conscience du temps, symptôme de la perte de la maîtrise de soi, qui résulte de la frénésie ludique. L’offensive menée par les sociétés de philanthropie dans les années 1820, qui vise la dilapidation dont les classes laborieuses se rendraient coupables, aboutit en 1836, puis en 1838, à l’interdiction de la loterie et de la ferme des jeux.