15 décembre 2021
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Ruidan She, « Descartes et le problème de l'action », HAL-SHS : philosophie, ID : 10670/1.cxofop
Descartes fait souvent un objet de critique dans les différents domaines de la philosophie analytique. Mais à la différence du fait que les thèses de Descartes sur la connaissance et sur la nature de l'esprit humain sont plus ou moins développées par certains épistémologues et philosophes de l'esprit, son explication de l'action humaine n'est connue qu'en tant qu'exemple négatif aux yeux des théoriciens de l'action. L'influence des attaques contre Descartes auxquelles se livrent les fondateurs du domaine de l'action au sens contemporain est tellement forte que depuis longtemps les théoriciens de l'action se passent de la série de notions estampillées comme « cartésiennes », notamment, du concept de la volonté en tant que faculté de l'esprit qui sert à expliquer l' « agentivité humaine » (human agency). Ce qui est mis en doute en même temps, c'est l'ensemble de la métaphysique cartésienne – comment pourrait-on expliquer une action corporelle, par exemple, le « lever du bras » en se référant à une faculté de l'esprit qui est par définition « non-corporel » ? Un dualisme de l'esprit et du corps, pour les philosophes analytiques, ne peut jamais expliquer l'action humaine sans tomber dans une « erreur de catégorie » (categorical mistake). Dans ce travail de thèse, on explique d'abord en quel sens la philosophie cartésienne est présente dans le problème de l'action formulé dans le cadre contemporain, et sur quel point elle est particulièrement mal interprétée, avec une tentative de repositionner Descartes dans le débat contemporain de l'action. Au travers d'une étude détaillée de la discussion de Descartes sur l'action dans trois grandes dimensions, à savoir, métaphysique, psychophysiologique et morale, on essaie de reconstruire une « théorie cartésienne de l'action » fondée sur un dualisme nouvellement interprété. Une telle investigation porte une double fonction : d’un côté, elle nous donne une occasion de relire la contribution cartésienne sur le problème de l'action ; d’un autre côté, elle met en question les hypothèses enracinées et mal examinées dans la philosophie de l’action contemporaine elle-même, qui ont conduit à telle ou telle schématisation de Descartes, ou de l’histoire de la philosophie en général, de sorte que l’on aura au moins une nouvelle possibilité de réfléchir sur le fond du problème de l’action et d’enlever les préjugés qui peuvent bloquer le champ de vision. Il faut noter que ce projet se distingue d’une défense systématique d’une théorie « cartésienne » préalablement établie, et d’une simple tentation de corriger les images caricaturées de Descartes autour de la question de l’action. En effet, on cherche à reconstruire une théorie de l’action d’après les ressources conceptuelles que Descartes nous propose dans son étude de l’homme qui fait intégrer différentes disciplines au sens contemporain (la dimension métaphysique, psychophysiologique et morale etc.), afin que les problèmes très souvent discutés dans la philosophie de l’action tels que la causalité de l’action, la liberté et la responsabilité des « agents » soient mieux traités, ou au moins, soient traités dans une perspective qui se distingue radicalement des théories actuellement dominantes (e.g. la théorie anscombienne et ses diverses variations) qui partagent une base conceptuelle aristotélico-thomiste.