2012
Cairn
Catherine Lanone, « Revisiting Great Expectations. The Postcolonial Persistence of Dickens », Études anglaises, ID : 10670/1.dk3slp
Dickens continue d’occuper une position clef dans l’imaginaire post-colonial, peut-être parce qu’il est perçu comme l’écrivain de la différence et du décalage, plaçant par exemple Pip, le protagoniste de Great Expectations, dans la position du subalterne qui n’accède jamais à la culture dominante à laquelle il aspire. Prisonnier d’un scénario qui lui échappe, Pip invite aux réécritures post-coloniales. Celles-ci opèrent selon deux modalités distinctes, revendiquant la filiation ou au contraire rejetant le modèle canonique. Loin du Jack Maggs de Peter Carey qui déconstruit ironiquement Dickens, les romans de Lloyd Jones et de Richard Flanagan dialoguent avec l’hypotexte pour osciller entre défiance et nostalgie, proposant une relecture de l’humanisme de Dickens et de ses limites dans la violence du génocide ou de la guerre civile. La leçon de lecture prend chez Lloyd Jones des accents à la fois rédempteurs et désespérés, impuissants à endiguer la violence aveugle. Chez Flanagan, la représentation de la pièce The Frozen Deep permet de lier ironiquement désir illicite et réalité coloniale, tandis que le parcours de Mathinna, l’orpheline aborigène abandonnée, réécrit le leurre des vaines espérances. Dickens reste donc la pierre de touche d’une forme d’écriture post-coloniale, réaffirmant la persistance d’une écriture dont les enjeux restent d’actualité, alors même que la relation de Dickens au colonialisme est contestée.