30 octobre 2008
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Stéphane Guyard, « Contribution à une sociohistoire de l’espace professionnel au regard des attributs de la « qualité » des productions bovines. D’un droit du sang à un droit du sol ? », HAL-SHS : sociologie, ID : 10670/1.dlxaal
En 2000, la première Appellation d’origine contrôlée pour une production bovine a vu le jour (AOC Taureau de Camargue). Cette AOC révèle un changement dans la hiérarchie des attributs de la « qualité » des productions en faveur du « terroir ». Dans une perspective sociohistotique, la thèse interroge cette évolution et tente de saisir en quoi elle est porteuse de changements plus globaux dans le secteur de l'élevage.Autrement dit, la thèse s’intéresse à la construction, dans le temps, des attributs de la qualité et vise à (re)situer le développement contemporain des productions « de terroir » dans l’histoire de l'élevage. J’interroge les modalités d’émergence, de développement et de renouvellement des attributs de la qualité ainsi que les effets de ces constructions sur la structuration et la régulation de l’espace professionnel, défini comme un espace social que dessinent les rapports que les acteurs engagés dans la production et la commercialisation des produits de l’élevage entretiennent entre eux.Ces recherches mettent en lumière trois phases dans l’histoire de la construction des qualités ; ces trois phases structurent par ailleurs le plan de la thèse. La première phase (1850-1970) m’a conduit à analyser, dans un contexte de développement des marchés régionaux de la viande et de bouleversements politiques, le rôle des notables propriétaires dans l’émergence des livres généalogiques chargés d’enregistrer les animaux définis comme l’élite bovine et dans la diffusion de ce modèle qui aboutit à la formation d’un espace professionnel dominé par les logiques raciales. J’analyse aussi dans cette première partie la disjonction entre l’espace commercial et l’espace professionnel que les lois de 1965 sur la réorganisation du marché et celle de 1966 sur la modernisation de l’élevage ont engagée. La seconde phase (1970-2000) correspond au développement des Labels rouges qui apparaissent comme une réponse apportée par les organisations professionnelles aux transformations que cristallisent ces deux lois. Je pointe les enjeux économiques et professionnels que soulèvent les Labels mais aussi le rôle des élus locaux dans l’émergence des Labels rouges. J’analyse ensuite les effets que ces Labels ont eus sur la structuration d’un espace commercial plus différencié. J’étudie ainsi la pluralité des attributs de la qualité à l’aune d’une sociologie dispositionnelle où les attributs de la qualité apparaissent comme autant de ressources concurrentielles qui sont le produit (et le support) de prises de positions professionnelles en fonction de la place qu’ils occupent dans l’espace professionnel. La dernière phase correspond à la dynamique contemporaine de développement des productions de terroirs. Pour comprendre ce déplacement des attributs de la qualité, j’interroge la dynamique proprement professionnelle et économique, mais j’ouvre aussi l’analyse sur le rôle des administrations nationales et européennes ou encore celui de l’investissement d’acteurs territoriaux (de plus en plus extérieurs à la profession). Enfin, la thèse rend compte de l’appropriation difficile des « terroirs » par les praticiens de l’élevage aux prises avec leurs propres réalités techniques, économiques, socio-professionnelles et culturelles.La thèse montre finalement comment la lutte pour l'imposition des modes de classification de la production est au cœur de la transformation du marché et de la profession.