2019
Cairn
Jean-Yves Heurtebise, « Quatre interprétations de la trilogie amoureuse de Wong Kar Wai (le cinéma Sinophone après 1980 ou l’invention de l’Image-émotion) », Monde chinois, ID : 10670/1.dxjqmg
Qu’est-ce qu’il y a de spécifique au cinéma sinophone après 1980 ? Afin de répondre à cette question, nous allons proposer quatre interprétations de la trilogie amoureuse de Wong Kar Wai en réponse à la question : qu’est-ce qu’une analyse philosophique d’un film ? L’affirmation de Deleuze selon laquelle « la philosophie est la discipline qui consiste à créer des concepts » ne peut avoir qu’une seule signification : le cinéma n’est pas la philosophie, les films n’impliquent pas la création de concepts. Étrangement, le nom de Deleuze a souvent été associé à l’idée opposée : les films sont philosophiques ; film et philosophie ne font qu’un. Dans cet article, nous proposerons quatre lectures de la « trilogie de l’amour » de Wong Kar-wai : sociologique, géopolitique, existentialiste (en référence aux concepts de Kierkegaard) et proprement philosophique (au sens deleuzien, en termes de catégorie sémiotique). Une lecture véritablement philosophique de la trilogie de l’amour de Wong Kar-wai demande de voir ses films comme la révélation cinématographique des catégories spatio-temporelles qui encadrent notre perception/interaction de/avec la « réalité ». En introduisant la catégorie de l’Image-émotion, nous soutiendrons que la trilogie de Wong Kar Wai produit de nouveaux « phatosignes » qui expriment la réalité de notre âge en lequel la valeur même de ce que nous avons n’est reconnue qu’au moment même où nous savons qu’elle est perdue.