2019
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Sylvie Servoise, « "La vie commune" de Lydie Salvayre : chronique des dominations ordinaires », HAL-SHS : littérature, ID : 10.7202/1066613ar
Il s’agit dans cet article de montrer, à travers l’exemple du roman "La Vie commune" (1991), comment Lydie Salvayre offre une analyse particulièrement fine des rapports de domination ordinaire entre individus. Non seulement l’auteure explore dans ce texte l’extraordinaire imbrication des formes de domination les unes dans les autres et leur articulation, révélant ainsi la porosité des champs où elles trouvent à se déployer, mais elle le fait à partir du point de vue particulier des dominés qui évitent le conflit et ne cherchent pas, du moins frontalement, à secouer leur joug. Les lecteurs de La vie commune se voit ainsi amenés à questionner ce que La Boétie nommait le « monstrueux vice » qui consiste à se soumettre apparemment volontairement à autrui, quand bien même, et surtout, celui-ci nous maltraiterait. L’article interroge cependant le sens de cette notion de servitude volontaire, bien plus complexe qu’il n’y paraît : le roman de L. Salvayre ne met-il pas davantage en scène des individus qui, pour reprendre les termes de l’anthropologue Nicole-Claude Mathieu, « cèdent » à la violence plutôt qu’ils n’y « consentent » ? Plus profondément, il semble bien que la notion de « servitude volontaire » ne soit opératoire ici que si l’on veut bien la comprendre, comme nous y invite Claude Lefort, autrement que comme le simple acquiescement, passif, à la domination et y voir, au contraire, le « désir de servir », propre à un sujet actif, dynamique, qui contribue, par ses aspirations mêmes, à nourrir la domination.